Le Beauvau de la Sécurité de l’Inutilité ?

Le mardi 14 septembre dernier, Emmanuel Macron a fait plusieurs annonces sur la sécurité, clôturant ainsi le Beauvau de la Sécurité. Sans surprise, le Président de la République a proposé une action de communication, à l’instar de celle délivrée avec sa Police de Sécurité du Quotidien, alternant propositions cosmétiques et redites de projets et d’actions déjà existantes. Faire passer pour neuf et inventif ce qui a déjà été fait ou est déjà en cours est une spécialité de ce quinquennat.

Néanmoins, ne nous leurrons pas. Derrière la fadeur de ces annonces, se cache une nouvelle fois un renforcement du discours sécuritaire et des mesures attenantes. Annoncer la fin des rappels à la loi ou le doublement de policiers sur la voie publique participe à légitimer une logique sécuritaire où répression et contrôle social sont les seuls objectifs en matière de sécurité, et plus globalement, comme mode de gestion des questions politiques et sociales.

L’aide social coûtant un “pognon de dingue”, le gouvernement a fait son choix : celui de permettre au marché de la sécurité de se faire un pognon de dingue

La sécurité, première des libertés ? Non.

Comme un symbole de cette dérive sécuritaire permanente, Emmanuel Macron nous a sorti la rengaine de la sécurité comme première des libertés. Une escroquerie intellectuelle qui ne trouve aucun fondement dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, la Loi, la Constitution et les textes internationaux relatifs aux droits humains. Voici ce qu’écrivait, à ce sujet, la magistrate Anne-Laure Maduraud, en 2018, dans la Revue Délibérée n° 3 : Continuer la lecture

Morts tragiques de nos collègues : les vautours du sécuritaire se régalent

La Police Nationale vient de perdre deux de ses membres en quelques jours. Après l’attentat qui a frappé Stéphanie Monfermé, une agente administrative du commissariat de Rambouillet, c’est un policier, Eric Masson, qui a été tué dans l’exercice de ses fonctions à Avignon, lors d’un contrôle de police en matière de stupéfiants. Aux familles et services endeuillés, Sud Intérieur adresse une nouvelle fois ses condoléances.

Notre syndicat est attristé par ces pertes, qui plus est, dans des circonstances tragiques. Mais nous sommes également en colère de voir ces drames servir une nouvelle fois l’agenda sécuritaire d’une partie de la classe politique, médiatique et syndicale qui cherchent, à travers l’émotion légitime suscitée par ces tragédies, à exploiter la mort d’autrui pour enfermer la société dans un carcan liberticide et inégalitaire au profit de ses propres intérêts. Loin de prendre le recul nécessaire face à cette violence afin d’en analyser les causes, ils se livrent à un concours de fake news, d’amalgames et de propositions hors-sol, quand ce n’est pas la reprise de mesures qui… existent déjà.

La dignité due à la mémoire de nos collègues voudrait que le débat sur les questions de sécurité soit fait de raison et d’arguments factuels. Il n’est que pathos et travestissement de la réalité. L’enjeu est donc moins l’hommage aux victimes que d’utiliser ces drames pour imposer un projet de société mortifère.

Il semble donc essentiel pour Sud Intérieur d’apporter ici un certain nombre d’éléments qui sont pas ou peu visibles dans le débat public.

La mort et les policiers

Les meurtres de nos 2 collègues, dans un temps très proche, ont remis l’idée, dans le débat public, que les policiers étaient de plus en plus exposés à un risque de mort. Or, l’examen des faits et des statistiques en la matière démontre le contraire. Depuis le milieu des années 80, où les policiers étaient extrêmement exposés à la mort, notamment dans le cadre d’actes de terrorisme et de divers braquages, le nombre de policiers tués en mission n’a cessé de baisser. De manière circonstancielle, certaines années récentes ont été beaucoup plus dramatiques que d’autres en termes de policiers tués en mission, expliquant une légère hausse, mais globalement le chiffre des policiers tués volontairement lors de missions de police est à la baisse sur le temps long.

Tableau créé par le site mémorial des policiers français morts en service

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Beauvau de la sécurité : redéfinir le rôle de la police face aux dérives sécuritaires

Le Beauvau de la sécurité s’est ouvert le 25 janvier et constitue déjà un échec. Il suffit de regarder ces participants pour voir dans quelle logique se déroule ce brainstorming de la start-up nation. Cette logique, déjà présente depuis plus de 20 ans et faisant déjà bien des dégâts, est celle d’une logique néolibérale et ultra sécuritaire dont le but n’est autre que le maintien d’une organisation inégalitaire de la société, favorable à une minorité possédante et devant contrôler l’immense majorité afin que celle-ci ne veuille pas changer cette organisation injuste tout en continuant à être de dociles travailleurs/électeurs/consommateurs.

Cette dérive sécuritaire, ou plutôt ce délire sécuritaire, n’est en aucun une solution face à la criminalité et la délinquance. Ce n’est d’ailleurs pas son but premier. Ce type de politiques est avant tout un moyen de contrôle social. Et ce type de politique crée, in fine, bien plus de problèmes qu’il n’en résout. Ce que montre l’histoire, c’est que pour lutter efficacement contre la criminalité et la délinquance, il faut des politiques sociales fortes. Il faut tout simplement améliorer la vie des gens.

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L’insécurité est un problème social, pas policier

Quand un problème est d’ordre social, sa réponse ne peut être que sociale. La police n’a donc pas vocation être la réponse première, ni même à être une réponse tout court. Elle ne devrait être qu’un rouage d’urgence dans la grande mécanique de l’État et les réponses qu’il apporte socialement au problème de l’insécurité. Mais quand la police devient l’un des rouages principaux, voire trop souvent le principal, c’est que l’État et les gouvernements qu’ils le contrôlent, ont abandonné toute idée d’apporter une vraie solution à la violence sociale qui génère crimes et délits. Cela veut dire qu’ils entérinent les injustices de cette société, qui profitent à une minorité, et que l’insécurité ne devient qu’une variable politique dans le cadre des élections et un juteux filon économique.

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Proposition de Loi relative à la Sécurité Globale : une étape de plus dans le délire sécuritaire

Durant le mois de novembre, le Parlement débattra d’une nouvelle loi en matière de sécurité. Ou plutôt en matière de sécuritaire. À l’origine de ce projet, on retrouve le député En Marche et ex-patron du RAID Jean-Michel Fauvergues et l’ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner. De quoi nous inquiéter d’emblée. Et la lecture de ce projet donne raison à notre inquiétude.

Une nouvelle fois, la majorité présidentielle choisit la ligne de tous ceux qui ont exercé le pouvoir depuis 20 ans, la fuite en avant sécuritaire et liberticide. Derrière des mesures de bons sens, en apparence, se cache un projet qui s’attaque une nouvelle fois aux principes démocratiques.

Sécurité Globale » et « Continuum de la sécurité », paravents d’une société qui valide le maintien des inégalités

La proposition de loi relative à la sécurité globale insiste sur le fameux continuum de la sécurité qui lierait les forces de l’ordre de l’État (Police et Gendarmerie Nationales), les militaires de l’opération Sentinelle, les Police Municipales et la sécurité privée.

Le sens de cette proposition de loi est de renforcer la protection des agents de l’État, de donner plus de prérogatives aux autres, tout en améliorant formation et contrôle des agents de sécurité privée pour leur donner plus de missions. Des mesures de bons sens en apparence mais qui révèlent surtout la logique néfaste derrière tout cela : la sécurité est une question de contrôle et de répression.

Une société inégalitaire est forcément une société de surveillance -crédit Titom

Or, comme l’ont démontré de nombreuses recherche des sciences sociales, une lutte efficace contre l’insécurité repose avant tout sur l’amélioration des conditions de vie, tant socialement que démocratiquement, de la population. En axant une nouvelle loi de sécurité globale uniquement sur le renforcement des pouvoirs de police, publique et privée, le signal envoyé est le maintien d’un modèle de société inégalitaire. Une nouvelle étape dans l’impasse sécuritaire.

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Racisme dans la police : l’analyse de Sud Intérieur

crédit Titom / Attac Bruxelles

Le racisme dans la police est une question ancienne. Le cliché du policier raciste est bien implanté dans l’imaginaire collectif. Mais le racisme policier est-il une réalité ? Si oui, dans quelle mesure ? S’agit-il de quelques cas isolés, les fameuses « brebis galeuses », ou d’un phénomène systémique ?

Sud Intérieur n’a pas de réponse claire et définitive mais le syndicat, par son expérience de l’institution policière (et des responsables des services de l’État de manière générale), d’une part , et la documentation abondante sur le racisme et les pratiques discriminantes dans la police (sociologie, histoire, reportages, rapports du Défenseur des Droits) (1) propose une analyse qui appelle au changement depuis des années mais que l’administration persiste à ignorer.

Sud Intérieur, depuis sa création en 2002, a toujours dénoncé le racisme et toutes formes de discrimination, tant au sein du ministère de l’Intérieur qu’au sein de la société française, comme le fait pareillement l’ensemble de l’Union Syndicale Solidaires. Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit. C’est une violence qui se manifeste jusqu’au sein des forces de sécurité, notamment.

Une discrimination systémique au niveau de l’Etat

C’est dans ce cadre que Sud Intérieur, loin d’une vision étriquée et corporatiste de la police, et de sa place dans l’Histoire et la société, a toujours dénoncé la discrimination systémique parcourant la police et les institutions de la République, une discrimination s’exerçant à travers le contrôle au faciès ou les violences policières et institutionnelles (2). La discrimination est globale dans le sens où elle dépasse les minorités dites racisées, selon ce terme emprunté aux sciences sociales, mais s’observe également à l’égard des femmes, des classes sociales modestes ou défavorisées, de l’action syndicale, des militants anti-capitalistes, des personnes musulmanes, les personnes LGBT, s’étendant progressivement à toute forme d’altérité, à des degrés ou sous des formes diverses. Tout groupe, dont la revendication du respect effectif de ses droits contrarie l’ordre inégalitaire qui bénéficie à la minorité possédante, est stigmatisé par le rappel d’un discours faisant des amalgames et recyclant des préjugés pour justifier une répression injustifiable en Droit. La forme l’emportant sur le fond, la communication sert depuis longtemps à escamoter et banaliser une dérive dénoncée au-délà de nos frontières par la communauté internationale (3).

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Rejet massif de la réforme des retraites : élargir la mobilisation le 29 janvier

Même le Conseil d’État taille un joli « costard » au projet gouvernemental

Comme le rappelle le communiqué de notre Union syndicale Solidaires du 25 janvier. « Le Conseil d’État a rendu un avis sur le projet de loi sur les retraites. Il met en évidence le caractère bâclé de l’affaire s’agissant de la transformation d’un élément central du modèle social français. Et en particulier :

* l’absence d’éléments chiffrés stables, confirmée par l’étude d’impact qui indique un âge pivot (ou d’équilibre) à 65 ans et une décote possiblement plus importante ;

* les engagements vis à vis du corps enseignant qui n’ont pas vocation à y être présent et ne peuvent être garantis ;

* la masse des ordonnances sur tous les éléments qui concernent la transition pour les personnes actuellement au travail et dont la retraite sera transformée dans le nouveau système ;

* l’avis stipule même que « Le projet de loi ne crée pas un “régime universel de retraite” qui serait caractérisé, comme tout régime de sécurité sociale, par un ensemble constitué d’une population éligible unique, de règles uniformes et d’une caisse unique ».

Bref, un projet qui ne tient pas la route et qui ne sera en rien transformé par la « conférence sur le financement ». Et ce dernier évènement montre un peu plus l’isolement du gouvernement.

Alors, nous qui avons encore battu le pavé ce vendredi, avons fait grève, chanté, dansé… On continue jusqu’au retrait, avec une grosse journée le mercredi 29 janvier et des actions en perspective les 30 et 31».

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Contre-réforme des Retraites : toutes et tous en grève et en manifestation le 9 janvier

Quand Emmanuel Macron disait que décaler l’âge légal de départ à la retraite était hypocrite et simpliste

Car, instaurer « l’âge pivot », ou « l’âge d’équilibre » revient bien à décaler cet âge de départ pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.

Cette déclaration, il l’a faite le 25 avril 2019 lors d’une conférence de presse consécutive au fumeux « grand débat national ». C’est Le Monde diplomatique dans son édition de janvier 2020 qui l’ exhume (1) : « Tant qu’on a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal. Quand aujourd’hui, quand on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu’on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans. C’est ça la réalité de notre pays. Alors on va dire, non, non faut maintenant aller à 64 ans. Vous savez déjà plus comment faire après 55 ans. Les gens vous disent “les emplois, c’est plus bon pour vous“, c’est ça la réalité. C’est le combat qu’on mène. On doit d’abord gagner ce combat avant d’expliquer aux gens, “mes bons amis, travaillez plus longtemps, c’est le délai légal”, ce serait hypocrite. J’invite les gens, qui, de manière simpliste, quand j’entends certains, qui ne l’ont pas fait quand ils étaient aux affaires, dire, “c’est ça la solution”, d’abord de regarder notre société. On doit gagner la bataille du plein emploi. »

Donc, et puisque que la « bataille » de chômage n’est pas gagnée avec nos « 3 364 500 personnes sans emploi et 2 166 100 exercent une activité réduite »(2), si Emmanuel Macron était cohérent avec lui-même, il remballerait immédiatement un nouveau recul de l’âge de départ à la retraite .

Le gouvernement ne parvient pas à convaincre son projet de système points serait bon pour les retraités.

Rien d’étonnant puisqu’il ne l’est pas….

Lire la suite sur : Tract SUD INTERIEUR 9 Janvier 2020 Continuer la lecture

Réflexions sur le suicide et ses causes dans la police nationale, un cas de sinistralité au travail en France parmi beaucoup d’autres

Sud Intérieur vous propose la contribution de notre camarade Patrick Cahez, écrite pour le débat sur Mal-être et suicide au travail, lors du Salon du Livre des Lanceuses et Lanceurs d’Alerte 2019.

« Ce n’est pas la société qui éclaire le suicide, c’est le suicide qui éclaire la société »

« Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie »

SUD intérieur remercie les organisateurs du 5° Salon du livre des lanceuses et lanceurs d’alerte à Montreuil pour leur invitation à la table ronde « Suicide et travail, du mal-être à l’alerte ».

Le suicide au travail dans la police pose une cascade de questions sur l’état de nos institutions, leur dysfonctionnement et leur négligence des principes républicains.

Le suicide est un fait social qui interroge d’autant plus qu’il souffre d’un manque d’études enrapport à son importance, et tout particulièrement dans la police. Sa sinistralité dans la fonction publique alerte sur le reflux des valeurs républicaines en considération de l’inexécution des obligations hiérarchiques à garantir la santé et la sécurité des travailleurs. Le sujet pose aussi la question d’une abdication politique aux injonctions substituant les chiffres au droit .

L’augmentation du suicide et des risques psycho-sociaux au travail s’observe avec le mouvement d’individualisation du travail, la destruction de l’action collective, de l’action syndicale, de la solidarité qui protègent contre les abus et l’arbitraire. Il alerte ici sur une régression démocratique et l’accroissement de la discrimination.

Un tel mépris malgré des alertes, ne sont pas particuliers au ministère de l’intérieur. Il y a une inertie générale des pouvoir publics à s’abstenir durablement de lancer une action efficace pour chercher les causes du suicide et les prévenir. Une pareille indifférence interpelle sur un particularisme culturel du mépris pour la personne et la place du respect dans la formation des cadres; lesquels subissent la logique de l’organisation du travail qu’ils mettent en place.

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Contre-réforme des retraites : après le succès du 5 décembre, amplifions !

CONTRE-RÉFORME DES RETRAITES : APRES LE SUCCÈS DU 5 DÉCEMBRE, AMPLIFIONS

ENCORE LA MOBILISATION POUR OBTENIR LE RETRAIT DU PROJET GOUVERNEMENTAL

LE 10 DÉCEMBRE : SOYONS ENCORE PLUS NOMBREUX EN GRÈVE ET EN MANIFESTATIONS

Retraite par points = nouvelle baisse programmée des pensions

Des baisses déjà entamées par les contre-réformes successives des retraites engagées depuis 1993, l’année où sera décidé que le calcul du montant de la pension des salariés du privé ne le serait plus sur les 10, mais sur les 25 meilleures années. Résultat : « Pour les générations nées entre 1945 et 1954, la baisse de la pension de base a atteint 16 % pour les hommes et 20 % pour les femmes » (1).

Pas besoin d’avoir fait « Polytechnique » pour comprendre, dans ces conditions, que le passage à un calcul sur l’ensemble de la carrière pour comprendre que le résultat sera identique, pour les fonctionnaires en premier lieu, dont la pension est calculée à partir de la rémunération reçue (hors primes) sur les 6 derniers mois.

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