SUD OFII alerte sur la dégradation continue des conditions de vie des demandeurs d’asile

COMMUNIQUE DE PRESSE

SUD OFII alerte sur la dégradation continue

des conditions de vie des demandeurs d’asile.

En novembre 2015, l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) s’est vu confier la gestion des conditions matérielles d’accueil (CMA) des demandeurs d’asile. Un demandeur d’asile est une personne qui a fui son pays car il y est en danger et qui sollicite la protection d’un autre Etat.

En France, c’est l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) qui décide d’octroyer ou non le statut de réfugié. Un demandeur d’asile est donc une personne qui attend la décision de l’OFPRA. Ainsi, les demandeurs d’asile ne deviennent pas tous réfugiés. La procédure de la demande d’asile en France est extrêmement complexe et passe par plusieurs étapes :

-prise de rendez-vous dans une Structure du Premier Accueil des Demandeurs d’Asile (SPADA), qui fixe au demandeur d’asile un rendez-vous au Guichet Unique pour Demandeurs d’Asile (GUDA), composé d’agents de la préfecture et de l’OFII ;

-enregistrement comme demandeur d’asile au GUDA/Préfecture et ouverture des CMA au GUDA/OFII ;

-retour à la SPADA pour la mise en place d’une domiciliation et l’ouverture des droits sociaux ; ou hébergement avec accompagnement socio-juridique ;

-envoi du formulaire de demande d’asile à l’OFPRA dans un délai de 21 jours pour les demandeurs d’asile qui n’ont pas transité par un autre pays de l’Union européenne.

Commence alors l’attente et l’incertitude de l’issue de la procédure asile ou de la réadmission dans le pays de premier accueil. Durant cette trop longue période d’attente, les conditions d’accueil sont définies par les directives européennes déclinées dans la loi française.

Les conditions matérielles d’accueil (CMA)proposées par l’OFII prévoient le bénéfice d’un certain nombre de droits pour les demandeurs d’asile :

●L’orientation vers un centre d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile (pour ceux qui en ont besoin et en font la demande),

●Le versement de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA – versée sous conditions de ressources – variable selon la composition familiale et les conditions d’hébergement),

●Un accompagnement social et administratif pour toutes leurs démarches durant la procédure de demande d’asile.

En réalité, moins de la moitié des demandeurs d’asile est hébergé, par manque de places. En effet, le dispositif d’accueil dédié aux demandeurs d’asile, qui compte environ 100 000 places, est sous-dimensionné par rapport au nombre de demandeurs d’asile en cours de procédure et en réel besoin d’abri. Le dispositif est totalement saturé.

Quant à l’ADA (6,80€ par jour pour un isolé, majoré de 7,40€ si aucune place d’hébergement n’est proposée), elle constitue la seule allocation versée aux demandeurs d’asile, qui n’ont le droit ni au travail, ni au RSA, ni aux allocations familiales.

Depuis janvier 2019, les CMA sont gérées via une nouvelle application informatique qui a connu de multiples dysfonctionnements au démarrage, dont les plus récurrents et les plus lourds de conséquences concernent la gestion de l’ADA. Ainsi de nombreux demandeurs d’asile ne perçoivent pas leur allocation de subsistance pendant plusieurs mois.

Après la correction de chaque dysfonctionnement, les versements de l’ADA reprennent, mais les rappels des sommes dues ne sont pas effectuées automatiquement, les personnes concernées doivent en faire la demande !

Cette allocation de subsistance est versée sur une carte qui est devenue exclusivement de paiement depuis début novembre 2019. Les demandeurs d’asile sont ainsi privés de liquidité, ne peuvent plus retirer leur argent dans les distributeurs et et ne peuvent plus ouvrir de compte de dépôt, ce qui ne va pas sans leur poser de nombreux problèmes pour la gestion de la vie quotidienne.

Par ailleurs, la loi française prévoit la possibilité de refuser ou de suspendre les CMA des demandeurs d’asile dans un certain nombre de cas (demande tardive, non-réponses aux demandes d’information des autorités, abandon d’un hébergement…).

De ce fait, un grand nombre de demandeurs d’asile sont laissés sans ressources et sans hébergement, ce qui est clairement en contradiction avec les directives européennes, comme le rappelle l’arrêt C-233/18 du 12/11/2019 de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) :

« …un État membre ne peut pas prévoir, parmi les sanctions susceptibles d’être infligées à un demandeur (d’asile)… une sanction consistant à retirer, même de manière temporaire, le bénéfice des conditions matérielles d’accueil. » « …le respect de la dignité humaine… exige que la personne concernée ne se trouve pas dans une situation de dénuement matériel extrême qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que ceux de se loger, de se nourrir, de se vêtir et de se laver, et qui porterait ainsi atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec cette dignité ».

Ces graves problèmes ont pour conséquence une importante détérioration des conditions de travail des agents de l’OFII et, surtout, des conditions de vie des demandeurs d’asile.

Cela se retraduit notamment par un accroissement important du nombre de personnes se présentant aux permanences de l’OFII, avec des usagers désespérés du non-paiement de leur allocation de subsistance et des auditeurs asile de l’OFII réduits à l’impuissance en l’absence de réponses claires à leurs questions et à apporter aux usagers et stressés par cette situation hautement anxiogène.

Nous dénonçons cette situation intolérable et explosive et sa persistance depuis plusieurs mois !

Mais devant l’anormale persistance de ces dysfonctionnements et de leur répétition, on est en droit de se demander si ce n’est finalement pas un moyen pour chacune des parties d’entretenir l’opacité sur la chaîne des responsabilités des problèmes et de leur résolution. On peut se demander aussi si ce n’est pas surtout un moyen détourné pour l’État de faire des économies à peu de frais sur le dos d’une population particulièrement vulnérable et en difficulté pour faire valoir ses droits.

En Île de France, les demandeurs d’asile rencontrent une difficulté supplémentaire : depuis mai 2018, ils ne peuvent plus se présenter directement dans une SPADA pour obtenir un rendez-vous pour le GUDA, mais doivent appeler une plate-forme téléphonique avant d’être orientés vers une des SPADA de la région.

Or, cette plate-forme est constamment saturée. Par ailleurs, le nombre de rendez-vous disponible est inférieur au nombre de demandeurs d’asile en attente d’être reçus. De plus, ce numéro de téléphone est payant !! Il est donc souvent nécessaire de débourser beaucoup d’argent pour réussir à joindre la plate-forme téléphonique.

Or, à ce moment-là, les demandeurs d’asile sont encore dépourvus de ressources et d’hébergement. Certaines personnes n’arrivent jamais à obtenir un rendez-vous, d’autres seulement après plusieurs semaines. Sachant qu’une demande d’asile tardive a pour conséquence le refus des conditions matérielles d’accueil, l’accès effectif et rapide à la plate-forme téléphonique est essentiel.

Saisi par des associations, le Tribunal administratif de Paris, par une ordonnance rendue le 25 novembre 2019, enjoint au préfet de police de Paris d’enregistrer les demandes d’asile dans un délai de dix jours et d’augmenter le nombre de rendez-vous fixés au GUDA et enjoint à l’OFII de mettre en place une gratuité effective des appels vers sa plateforme téléphonique. Cette décision est une bonne nouvelle pour les demandeurs d’asile et en même temps une difficulté pour les agents de l’OFII : comment recevoir dans des conditions acceptables encore plus de demandeurs d’asile sans moyens humains ni locaux supplémentaires ?

Nous revendiquons :

-Le respect de la dignité des DA

-Une réelle prise en compte de la vulnérabilité des demandeurs d’asile.

-Des moyens pour une véritable prise en charge des demandeurs d’asile.

Le 9 décembre 2019

Contact presse : Corine DULAURENT-SIMPER – sud.anaem@ofii.fr

Sud OFII est une structure membre du syndicat Sud Intérieur, de l’Union Syndicale Solidaires

Version PDF : Communiqué de presse SUD OFII