Le gouvernement se moque des policiers.
L'élargissement de la légitime défense est impossible, à moins de sombrer encore un peu plus dans le totalitarisme.
Des policiers revendiquent l'élargissement des conditions d'usage des armes, comme Gilbert Collard (ap. FN) (« Proposition de loi n°2639 (11 mars 2015), créant une présomption de légitime défense dans le cas d’un usage légal de la force armée » et « Proposition de loi n° 3028 (22 juillet 2015) précisant la notion de légitime défense »), ignorant le rejet des propositions précédentes.
SUD intérieur s'étonne que le ministre de l'intérieur et les syndicats majoritaires entretiennent un débat qui a été déjà jugé impossible par le législateur à plusieurs reprises.
La revendication en matière de légitime défense a donc déjà fait l'objet de plusieurs tentatives dont celles-ci :
1. « PROPOSITION DE LOI (N° 191) DE MM. GUILLAUME LARRIVÉ, ÉRIC CIOTTI, PHILIPPE GOUJON ET PLUSIEURS DE LEURS COLLÈGUES, précisant les conditions de l’usage légal de la force armée par les représentants de l’ordre dans l’exercice de leurs missions et renforçant la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes. » Cette proposition vise à progresser vers un rapprochement des conditions d’emploi des armes à feu par les policiers et les gendarmes.
2. « Proposition de loi n° 767 (2011-2012), présentée par MM. Louis Nègre, Pierre Charon et plusieurs de leurs collègues, visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité et l’usage des armes à feu. Cette proposition de loi a pour objet, d’une part, d’aligner le régime juridique des policiers sur celui des gendarmes - en créant au bénéfice des policiers une disposition analogue à l’article L.2338-3 du code de la défense – et, d’autre part, à créer deux nouvelles présomptions de légitime défense, en faveur des policiers et des gendarmes quand ils interviendraient dans le cadre de ce dispositif. »
Ces propositions ont été écartées par le législateur au motif qu'une telle réforme :
« introduirait ainsi nécessairement une “incertitude dommageable” » en créant une insécurité juridique accrue au détriment des forces de l'ordre. Il a été souligné, en effet, « qu'une telle présomption serait de nature à créer, en quelque sorte, l'illusion d'une irresponsabilité pénale générale », « un faux bouclier » donnant « l'illusion aux forces de l'ordre qu'elles bénéficient d'une possibilité plus large d'utiliser leurs armes ». Cette présomption a été estimée « porteuse de risques juridiques pour les forces de l'ordre ». De plus, sur le terrain juridique, cette proposition de création de nouvelles présomptions de légitime défense ne pouvait instaurer deux présomptions nouvelles irréfragables qui, seules, auraient pu, en théorie, assurer une protection totale aux forces de l'ordre faisant usage de la force. L'évolution du droit français, centrée sur la mise à l'écart de tout « permis d'assassinat », a été orientée vers des présomptions simples, c'est-à-dire susceptibles de céder devant la preuve contraire et ne créant en rien un quelconque privilège en matière de légitime défense ». (Professeur Roger BERNARDINI Répertoire de droit pénal et de procédure pénale « La légitime défense » - Rapport n°462 de M. Guillaume Larrivée, Assemblée nationale du 28 novembre ; Rapport N° 453 (2012-2013) de Mme Virginie KLÈS, fait au nom de la commission des lois, déposé au Sénat le 27 mars 2013)
La sénatrice Virginie Klès souligne l'incompatibilité de cette réforme avec la Constitution et le droit international, notamment la jurisprudence de la Cour de Strasbourg (p. 18 à 20).
Une loi ou un règlement méprisant une prohibition internationale emportent la responsabilité sans faute de l'Etat du fait de l'inconventionnalité de ses lois. Le dépôt d'une QPC ou d'une requête en nullité devant les juridictions administratives peuvent également aboutir à l'annulation du texte, faisant tomber la protection du policier et engageant sa responsabilité.
Il n'y a qu'un régime de légitime défense. La légitime défense exonère l'auteur de violence de toute faute et exclut toute action en dommages-intérêt. Cet aspect est négligé. Soit le policier s'inscrit dans le régime de légitime défense, soit il s'en exclut avec la protection juridique qu'elle garantit.
Laisser espérer aux policiers une réforme impossible est donc se moquer d'eux ; à moins que le politique ne tient pas sa police et que c'est la police qui le tient. Ceux qui soutiennent ainsi de mauvaise foi la colère des policiers menacent le caractère démocratique des institutions.
SUD intérieur pense que la priorité porte bien plus sur la réforme du fonctionnement et de la doctrine d'emploi des personnels par l'amélioration de la qualité humaine de l'encadrement que sur un rapprochement des doctrines d'emploi des armes irréaliste.
La première garantit bien plus sûrement la qualité du travail de policier et un apaisement des relations avec le public ; alors que la seconde renforcera la défiance de l'opinion et le sentiment d'insécurité que générera l'élargissement de l'usage des armes.
D'autre part, la revendication policière soulève la question de la compatibilité de l'emploi de la gendarmerie en temps de paix dans un Etat de droit moderne et démocratique. La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg ont supprimé leur gendarmerie et l'ont intégrée à la police.
La gendarmerie est une force armée. L'emploi des armes contre des personnes civiles est prohibé (cf. par ex. : CICR « Violence et usage de la force » ; Olivier Corten « Le droit contre la guerre. L'interdiction du recours à la force en droit international contemporain » ed. Pédone). L'interdiction l'est a fortiori en temps de paix. Il paraît donc difficile d'aligner la doctrine d'emploi de la police, corps civil, sur celle des forces armées, quand le droit international impose le contraire. C'est d'autant moins pertinent que « Pour dire qu'un gendarme était autorisé à faire usage de son arme les juges doivent rechercher si cet usage était absolument nécessaire » (Crim. N° de pourvoi: 02-80095), la jurisprudence ramenant ainsi la gendarmerie au régime de la légitime défense.
Il y a donc un mensonge à aligner l'emploi des armes dans la police sur un règlement d'emploi militaire. Ce mensonge révèle en revanche une volonté politique à vouloir militariser les forces de police. La police n'est pas une force armée et il est anormal que les gardiens de la Paix soient manipulés pour favoriser le paradigme sécuritaire, justifiant la violence institutionnelle en promouvant l'idée d'un conflit de basse intensité permanent au prétexte du « terrorisme », invoqué sans cesse et servir d'alibi à la suspension des libertés publiques depuis près de deux ans.
Il n'est donc peut-être pas fortuit que les autorités ne dissuadent pas les personnels de revendiquer une réforme impossible dans un contexte marquant de plus en plus leur reniement de l'Etat de droit et favoriser l'émergence d'un Etat policier, comme l'illustrent l'état d'urgence, les perquisitions administratives, les assignations à résidence et les entraves à la liberté de la presse.
Les syndicats qui soutiennent cette revendication impossible mystifient l'opinion pour sauver un système de cogestion, que rejettent les agents. La violence que subissent les policiers est la conséquence d'une politique favorisant le rapport de force sur l'intelligence. La solution est dans le rétablissement effectif de la République sociale et des principes démocratiques. Les vingt dernières années illustrent l'absence de rigueur à y veiller scrupuleusement.
SUD intérieur s'inquiète très sérieusement de voir le pouvoir consacrer la notion d'Etat de Carl Schmitt, fondé sur la brutalité et non le débat démocratique, comme y participeront l'allègement des conditions d'ouverture du feu et la simplification – voire l'anonymisation – des procédures. Une police secrète caractérise avant tout les dictatures.
SUD INTÉRIEUR
DU FOND ET DE LA MÉTHODE