Durant le mois de novembre, le Parlement débattra d’une nouvelle loi en matière de sécurité. Ou plutôt en matière de sécuritaire. À l’origine de ce projet, on retrouve le député En Marche et ex-patron du RAID Jean-Michel Fauvergues et l’ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner. De quoi nous inquiéter d’emblée. Et la lecture de ce projet donne raison à notre inquiétude.
Une nouvelle fois, la majorité présidentielle choisit la ligne de tous ceux qui ont exercé le pouvoir depuis 20 ans, la fuite en avant sécuritaire et liberticide. Derrière des mesures de bons sens, en apparence, se cache un projet qui s’attaque une nouvelle fois aux principes démocratiques.
Sécurité Globale » et « Continuum de la sécurité », paravents d’une société qui valide le maintien des inégalités
La proposition de loi relative à la sécurité globale insiste sur le fameux continuum de la sécurité qui lierait les forces de l’ordre de l’État (Police et Gendarmerie Nationales), les militaires de l’opération Sentinelle, les Police Municipales et la sécurité privée.
Le sens de cette proposition de loi est de renforcer la protection des agents de l’État, de donner plus de prérogatives aux autres, tout en améliorant formation et contrôle des agents de sécurité privée pour leur donner plus de missions. Des mesures de bons sens en apparence mais qui révèlent surtout la logique néfaste derrière tout cela : la sécurité est une question de contrôle et de répression.
Or, comme l’ont démontré de nombreuses recherche des sciences sociales, une lutte efficace contre l’insécurité repose avant tout sur l’amélioration des conditions de vie, tant socialement que démocratiquement, de la population. En axant une nouvelle loi de sécurité globale uniquement sur le renforcement des pouvoirs de police, publique et privée, le signal envoyé est le maintien d’un modèle de société inégalitaire. Une nouvelle étape dans l’impasse sécuritaire.
Société de surveillance pour la population, organisation de l’impunité pour ceux qui nous surveillent
La proposition de loi recèle en particulier deux dispositions dangereuses.
La première favorise l’utilisation de drones de surveillance dans de nombreuses missions confiées à la police. Là encore, ce qui pourrait apparaître comme une mesure de bon sens, s’adaptant aux bénéfices que peut apporter la technologie aux missions de sécurisation, indique surtout le choix que font les parlementaires de la majorité : investir fortement dans des technologies de contrôle plutôt que dans la résorbation des inégalités. Contrôler la société plutôt que de l’apaiser en améliorant les conditions de vie.
Il est à craindre que ces nouveaux gadgets de l’idéologie sécuritaire, à terme, en plus de poser un problème d’ordre éthique et démocratique, pose également un problème budgétaire, qui grèvera les finances publiques tout en enrichissant le secteur économique de la sécurité privée. Les priorités, même pour la police, sont ailleurs.
On peut aussi s’étonner de la volonté d’un emploi massif de telles technologies de surveillance sans que ces technologies, en France, ne fassent l’objet d’études d’impact officielles sérieuses pour démonter leur prétendue efficacité. Peut-être parce que celles menées à l’étranger, notamment au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, ont montré leur inutilité globale dans la lutte contre le criminalité face aux coûts qu’elles engendrent pour les comptes publics. Gênant.
La deuxième disposition, déjà demandée à maintes reprises par des syndicats de police et des formations politiques de la droite extrême et de l’extrême droite, est le floutage des policiers et gendarmes filmés lors d’interventions de police. Bien entendu, l’article de loi proposé n’interdit pas de les filmer mais il rend la diffusion plus compliqué, interdisant de filmer visages ou tout élément d’identification, en créant un nouveau délit puni d’une peine de prison.
Cet article porte en lui un projet plus vaste d’interdiction de filmer les forces de l’ordre, notamment pour éviter d’exposer sur les réseaux sociaux des images démontrant les dérives individuelles mais aussi systémiques dans le cadre des violences institutionnelles, ici des forces de l’ordre. L’adoption de cet article de loi serait une première étape.
Tout comme avec les drones de surveillance, l’idée n’est pas de protéger mais de contrôler et de réprimer. L’impasse sécuritaire n’est pas un projet de société qui va permettre de protéger nos collègues mais au contraire les exposer à toujours plus de violences en excitant les tensions d’une société bâtie sur un modèle d’injustice.
Apaiser la société plutôt que de la contrôler, une question de justice sociale
Pour protéger durablement les policiers, les gendarmes et l’ensemble de la population, il faut une société apaisée, une société juste socialement, juste démocratiquement, dans laquelle l’État et ses agents, tout comme la Loi, sont considérés comme pleinement légitimes, et où un avenir positif est proposé à chacun. Le modèle de société défendu par le gouvernement comme la majorité présidentielle, à l’origine de cette proposition de loi, n’est pas de cet ordre. Ce qu’il propose, c’est de confirmer un système inégalitaire, renvoyant à la responsabilité individuelle pour permettre à l’État et à ceux qui détiennent les cordons de la Bourse de mieux se défausser de leurs propres responsabilités vis à vis du bien commun.
Ce n’est donc pas seulement cette proposition de loi qu’il faut combattre mais bien la logique qu’elle sous-entend. Si sécurité globale il doit y avoir, elle doit englober les questions de droits sociaux, de logement, d’éducation, d’environnement et de démocratie.
Une autre police comme une autre société est possible. Elle doit reposer sur la recherche d’une égalité réelle entre tous, à tous les niveaux. Elle doit se baser sur l’exigence démocratique et la justice sociale, et non sur l’individualisation de la société et la recherche de profits.
Sud Intérieur exige que cesse le délire sécuritaire législatif, qui endommage notre société tant sur le fond des idées défendues que sur la forme, avec la succession des lois en matière de sécurité.
S’il faut que les policiers et gendarmes travaillent dans les meilleures conditions possibles, comme tout travailleur, cela ne doit pas se faire aux dépens des besoins fondamentaux de la société. Il faut investir massivement dans l’amélioration des conditions de vie de tout un chacun, véritable voie pour lutter contre l’insécurité. Une question de bon sens.
SUD INTÉRIEUR :
DU FOND ET DE LA MÉTHODE,
REJOIGNEZ-NOUS
En complément :
Notre analyse produite lors de notre audition par la commission parlementaire sur la question des polices municipales : 20190307 courrier signé commission assemblée moyens forces de sécurité
L’analyse de La Quadrature du Net sur la PPL Sécurité Globale