La répression syndicale sévit aussi au ministère de l’Intérieur : Sud Intérieur en fait l’expérience

Que ce soit dans le privé ou dans le public, la répression syndicale s’abat sur tous les militants appartenant à des syndicats combatifs ne s’en laissant pas compter, au premier rang desquels ceux de notre Union syndicale Solidaires (1) ou de la CGT (2), mais aussi d’autres (3).

Au-delà de la défense acharnée de chaque situation qui conduit régulièrement à des victoires comme celle récente obtenue devant la Cour d’appel de Toulouse imposant à la direction des Autoroutes du Sud de la France – groupe Vinci la réintégration de notre camarade Henri délégué syndical de SUD Autoroutes (4), le combat pour préserver la liberté syndicale inscrite dans le préambule de la Constitution doit être collectif.

C’est pour cette raison que notre Union syndicale Solidaires a lancé début janvier une campagne nationale sur cette thématique (1).

Dans ces conditions, vous ne serez pas surpris d’apprendre que cette répression syndicale s’abat également sur SUD INTÉRIEUR, sans aucun doute le syndicat le plus combatif du ministère, ceci expliquant sans doute cela.

Ainsi, le 6 mars 2018, un de nos secrétaires nationaux, ingénieur des systèmes d’information et de communication affecté à la préfecture de police, se voyait infliger une sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions de 6 mois dont 5 avec sursis.

A notre très grande consternation, les représentants du personnel, qui pour l’occasion, ne nous ont été d’aucun secours, voteront la « sentence » avec ceux de l’administration.

Eric Beynel, porte-parole de l’Union Syndicale Solidaires, s’exprimant le 25 mars dernier sur la répression syndicale lors d’une journée de rencontres et de débats autour de la justice

Le motif « habillant » la sanction : un [imaginaire] prétendu et délibéré refus de rendre compte à sa hiérarchie d’un fait précis accompagné d’un autre de communiquer ses coordonnées ne le rendant pas joignable à tout moment donc potentiellement « réquisitionnable », sans oublier une introduction présentée comme « suspecte » dans les locaux alors qu’il était suspendu.

En défense, SUD INTÉRIEUR a démontré plusieurs choses : que les droits de la défense n’avaient pas été respectés, qu’il avait déjà été sanctionné d’un déplacement d’office (5) pour un motif qui sera écarté à l’arrivée, et que ceux ayant été retenus étaient pour le moins « fragiles ».
Tous ces éléments couplés aux états de service sans « tâches » de notre secrétaire national avaient conduit la défense à demander fort logiquement une exonération de sanction.

Mais alors pourquoi lui avoir infligé une si lourde peine ?

INVENTER POUR SANCTIONNER

SUD INTÉRIEUR émet une hypothèse fort crédible au regard du déroulement des opérations : puisque l’ancien préfet de police aujourd’hui préfet de Paris et de la région Ile-de-France à l’origine de la procédure, Michel CADOT, demandait rien moins – avec l’appui de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) – que la révocation de notre secrétaire national, le ministre, et à travers lui, le signataire de la décision de sanction, Stanislas BOURRON, directeur des ressources humaines, ne voulaient pas déjuger complètement un personnage aussi important que celui accablant notre secrétaire national.

Alors qu’il pouvait le faire sans difficulté, puisque le motif lui ayant valu à sa suspension, puis ensuite d’être déplacé d’office sur un poste subalterne contre son accord avec retrait de son habilitation « confidentiel-défense », n’a pas été plus retenu par le conseil de discipline que par l’arrêté de sanction.

Sauf que les accusations gravissimes – et mensongères – portées dès le 29 juin 2016 par le préfet de police dans son rapport saisissant l’IGPN pour une enquête administrative, qui allait conduire tout d’abord à la suspension – placement « en garde à vue pour « participation à un attroupement armé en vue de commettre un délit » le 28 juin à l’occasion d’une manifestation que le préfet de police avait…autorisée… – allait laisser des traces, puisque dans les faits, ce sont bien elles qui sont à l’origine de la « descente aux enfers » de notre secrétaire national.

Ce 28 juin 2016, il sera en effet interpellé par des policiers zélés qui le placeront en garde à vue de manière illégitime alors même qu’il leur avait décliné son statut de secrétaire national de SUD INTÉRIEUR et qu’il marchait seul dans la rue pour se rendre à une nouvelle manifestation contre la loi « travail », avec exactement le même équipement qui lui vaudra une fouille en règle par un barrage de Gendarmerie à l’approche du lieu de rendez-vous d’une autre manifestation contre la loi « EL KHOMRI » le 23 juin, sans que cela ne pose le moindre problème : foulard, lunettes de plongée, casquette et des gants.

Ces contrôles intempestifs et injustifiés en amont des manifestations sont également « étrillés » par le Défenseur des droits – peu suspect pourtant de défiance vis-à-vis de l’institution policière – dans son rapport paru en décembre 2017 sur le « Maintien de l’ordre au regard des règles de déontologie » (6) : « Cette absence objective [d’éléments sérieux lors des contrôles d’identité en amont des manifestations] favorise les risques de discrimination et de comportements des forces de l’ordre non conformes à la déontologie, aliment[ant] «  un sentiment de violation arbitraire des libertés fondamentales par les forces de police » (page 35).

Il « dénonce [également] ces mesures de fouille et de filtrage qui portent atteinte aux libertés individuelles, sont source de tension à l’occasion des manifestations et contribuent à la dégradation des relations police-population » (page 37).

Si notre secrétaire national avait cet équipement léger, c’était parce que pour des raisons évidentes de sécurité liées à cette situation, notre Union syndicale Solidaires, en particulier par le biais du service de protection de nos cortèges, avait notamment donné comme consignes au militants de se munir de ce type de matériel pour se protéger des gaz lacrymogènes (7).

Un type d’équipement que quiconque était présent dans les défilés contre la loi « travail » à cette période pourra attester qu’il également était porté par un large public y compris par de simples mères de famille lors des dernières manifestations.

Mais de cela, l’ancien préfet de police n’en avait cure. Pour lui, tout syndicaliste – surtout de SUD INTÉRIEUR – était un « casseur » ou autre « fauteur de troubles » en puissance (8). Il en avait un « sous la main », notre secrétaire national : il fallait le faire «payer ».

Que la garde à vue ait été levée rapidement sans audition et avec remise en liberté le même jour sur instruction du substitut du procureur de la République s’étant très vite rendu compte que rien ne pouvait être retenu contre notre secrétaire national (9) ne changera rien à l’affaire.

Dans cette affaire touchant notre secrétaire national qui est une victime, raison pour laquelle nous avons demandé à Gérard COLLOMB de retirer l’arrêté de sanction visant notre secrétaire national.

Car, les auteurs des fautes les plus graves sont plusieurs hauts-fonctionnaires de la préfecture de police dont nous avons dénoncés jusqu’au ministre des agissements que nous qualifions de « faux en écritures publiques » (10).

Quant au ministre et à d’autres hauts responsables, du ministère à qui nous avons demandé d’agir contre les agissements fautifs nous avons demandé d’agir sans pour l’instant la moindre réaction de leur part. Vous avez dit impunité ?

NOUS NE LÂCHERONS RIEN

Le combat pour faire rétablir les droits de notre secrétaire national est engagé depuis le jour de sa suspension, soit le 15 juillet 2016. Il est donc long, mais cela n’est pas pour nous décourager, bien au contraire.

Les représentants du ministère savent d’ailleurs très bien que SUD INTÉRIEUR est coriace, ce qui nous a conduits à prendre différentes initiatives, comprises les actions devant les tribunaux ou celle d’aujourd’hui visant à rendre publique cette injustice.

Il ne fait d’ailleurs guère de doute que c’est la pugnacité de la défense, notamment en amont du conseil de discipline qui a permis à notre secrétaire national de ne pas être révoqué, même si la sanction finalement prononcée est scandaleuse.

UNE URGENCE ABSOLUE : LA SUPPRESSION DE L’IGPN

Si l’ancien préfet de police est bien celui qui est le premier à avoir déclenché les hostilités, l’IGPN a joué un rôle déterminant, puisque c’est elle qui était saisie de l’enquête administrative. Elle a instruit uniquement à charge, manifestant une nouvelle fois son manque flagrant d’impartialité dans ce genre d’affaires.

Ce n’est pas nouveau. Ainsi, fort récemment, un représentant syndical d’une autre structure a été convoqué devant elle le 22 mars dernier pour répondre sur le contenu d’un tract syndical mettant en cause des trucages de statistiques au sein de la direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône (11).

Depuis sa création, SUD INTERIEUR réclame la suppression de l’IGPN (mais aussi de pendant dans la Gendarmerie nationale, l’IGGN) dont nous écrivions encore le 10 mars 2017 que « ce service [était]t beaucoup plus prompt à sanctionner des syndicalistes ou des agents qui exercent leur liberté d’expression que de graves dérives dont elle prétendrait ignorer le degré de violence. Nous revendiquons la suppression de ce service dont l’action est trop politique » (12).

Ce que nous venons de relater dans ce tract confirme plus que jamais la pertinence de cette revendication. L’urgence absolue c’est bien le «  remplacement de l’IGPN et de l’IGGN par une autorité administrative indépendante pluridisciplinaire afin de procéder aux enquêtes visant les forces de sécurité est le seul moyen pour que les citoyen-nes puissent avoir confiance dans les investigations menées » (12).

(1) A lire : https://sudinterieur.fr/2018/01/18/lancement-dune-campagne-nationale-contre-la-repression-anti-syndicale/ et https://www.solidaires.org/NON-a-la-repression-antisyndicale-a-SFR-DISTRIBUTION et https://solidaires.org/La-Poste-ose-licencie-Gael-PAS-QUESTION

(2) A lire :  http://www.acrimed.org/Halte-a-la-repression-syndicale-a-Wolters-Kluwer et http://www.commerce.cgt.fr/actualites/lutte/2018/02/14/leclerc-non-a-la-repression-syndicale-!

(3) A lire : http://www.cgt-fapt.fr/wp-content/uploads/2018/01/ et https://www.trouver-une-formation-ce.com/5826/la-cfe-cgc-rejoint-lobservatoire-de-la-discrimination

(4) A lire : https://www.solidaires.org/o-Discrimination-syndicale-ASF-Groupe-Vinci-autoroutes-lourdement-condamnee

(5) Selon le principe général de droit du « Non bis in idem », nulle ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits

(6) Consultable ici : http://www.assemblee-nationale.fr/presidence/Rapport-MO-09-01-18.pdf

(7) Dans un article publié le 16 juin 2016, le responsable du service de protection des cortèges de notre Union syndicale Solidaires lors des manifestations parisiennes, expliquait «  Ces dernières semaines, le syndicat s’est équipé de masques, de lunettes de ski ou de natation, pour se protéger des gaz lacrymogènes. « On en a toujours dans le camion au cas où, mais on ne les sort que si on nous attaque.” Ce n’est pas dans notre intérêt d’aller à la casse, ça décrédibiliserait totalement notre mouvement ». Lien : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/droit-du-travail/loi-travail-comment-les-syndicats-gerent-ils-leur-service-d-ordre_1501095.html

(8) Cet amalgame, l’ancien préfet Michel CADOT l’a bien opéré dans une déclaration relevée par l’Agence France Presse (AFP ), le 15 juin où il évoque « une forme de solidarité, au moins passive” entre “une nébuleuse d’environ mille casseurs” et des manifestants de la CGT » mais aussi , par déclinaison d’autres comme ceux de l’Union Solidaires. Lien : http://www.lepoint.fr/politique/le-prefet-de-police-evoque-une-forme-de-solidarite-de-manifestants-de-la-cgt-avec-les-casseurs-15-06-2016-2046958_20.php

(9) Et non pas, comme le proclameront mensongèrement aussi bien le rapport du 29 juin 2016, l’ancien préfet de police Michel CADOT que celui de l’IGPN du 26 novembre 2016 pour vice de forme ou présentation tardive

(10) Cités par la défense pour venir témoigner lors du conseil de discipline du 25 janvier 2018, ils se sont tous fait porter « pâles ». Quel admirable courage…Toujours est-il que cette désertion révèle plus que de l’embarras de leur part, quelque part un aveu implicite qu’ils auraient bien quelque chose [eux] à se reprocher…

(11) A lire : http://www.vigimi.fr/f/actualites-fr/entry/le-22-mars-l-igpn-sera-dans-l-action-de-repression-syndicale-et-non-de-defense-du-service-public

(12) https://sudinterieur.fr/2017/03/10/affaire-theo-une-nouvelle-fois-linaction-prevaut/

Tract Affaire Répression Syndicale Sud Intérieur