Ce jour-là, la quasi-totalité – des syndicats appellent – en ordre dispersé – les fonctionnaires de police à manifester partout en France.
Pour quels motifs ? A l’exception notable de la CGT Police (1) , pour dire principalement « Stop à la haine anti-flics » (2), qui se propagerait dans la société, en particulier depuis quelques emaines à l’occasion des manifestations pour le retrait du projet de loi sur le travail.
SUD INTERIEUR soutient que cette vision est erronée comme l’était celle de l’idylle diagnostiquée par les mêmes après les horribles attentats de janvier et novembre 2015.
NE PAS DETOURNER LES POLICIERS DES VRAIS PROBLEMES
Même si certaines personnes haïssent la police, celles-ci sont extrêmement minoritaires dans la société et elles ont toujours existé. La police, de par sa nature historiquement ambiguë de protection du peuple et de l’ordre établi, a toujours cultivé ce double sentiment d’acceptation et de rejet.
Or, certains politiques et syndicats policiers aiment à cultiver cette image d’une police mal-aimée et cultiver, par conséquent, ce malaise réellement présent chez les policiers. Et ce, pour une raison bien simple : le contrôle.
Exacerber ce sentiment victimaire, c’est exacerber le corporatisme.
Un corporatisme qui aveugle le fonctionnaire de police, l’empêchant de se solidariser avec le reste de la population face aux vrais problèmes de la société (destruction des droits et acquis sociaux, massacre de l’environnement, démocratie à la dérive, etc) et l’isolant, du coup, de cette même société. Bien utile pour un pouvoir qui a besoin de plus en plus d’autoritarisme
pour imposer sa politique libérale et sécuritaire.
En appelant une manifestation contre la violence anti-flic, certains syndicats policiers utilisent la même stratégie du gouvernement quand celui-ci, avec l’aide des médias dominants, met en avant la violence des « casseurs » (3) : allumer un contre feu pour ne pas évoquer la violence principale, la violence du système capitaliste dont la destruction du droit du travail par le loi El Khomri et le mépris pour la démocratie par l’utilisation du 49-3 sont des exemples parmi d’autres.
Si les policiers doivent manifester contre une violence, c’est bien contre celle dont use le pouvoir pour mettre au pas les principes démocratiques afin que le patronat et le monde de la finance puissent continuer à alimenter leurs profits sur notre dos.
UNE CURIEUSE CONCEPTION DE LA VIOLENCE CONTRE LES POLICIERS
Quand on lit le tract-affiche du syndicat initiateur de la manifestation du 18 mai (4), la conception de la violence contre les policiers de ce syndicat est bien curieuse mais surtout dangereuse.
Ce syndicat met sur le même plan les caillassages, les incendies de véhicules ou les attaques de commissariat avec la critique des médias et des experts. Ainsi, quand un media ou un expert soulève un problème dans une intervention, une erreur dans une enquête ou une faille dans la surveillance, c’est une violence.
En fait, pour ce syndicat, l’exercice démocratique du métier de journaliste est une violence contre la police. Et si on manifeste contre cette violence, c’est que l’on demande que cesse cette violence. Est-ce à dire que ce syndicat souhaiterait que les médias cessent d’enquêter sur la police ?
Quand Mediapart s’interroge sur les possibles failles du renseignement français (5) ou lors de l’assaut de Saint Denis en novembre dernier (6), avec des éléments solides à l’appui, il ne s’agirait pas d’une enquête journalistique mais d’une violence.
Quand la Fondation Open Society, en collaboration avec le centre national de recherche scientifique (CNRS), sort, en 2009, une enquête documentée sur le contrôle au faciès (7), ce ne serait pas un travail scientifique sérieux mais une violence.
Quand le « Septième rapport périodique de la France » du comité contre la torture de l’organisation des nations unies (ONU) publié le 13 mai 2016, (8) s’alarme une nouvelle fois des violences policières, en signalant par exemple l’ « usage excessif de la force par les fonctionnaires de police et de gendarmerie, ayant, dans certains cas, entraîné des blessures graves ou des décès », il ne s’agirait pas non plus de faits établis suite à des investigations approfondies de cette institution internationale mais d’une violence.
Quand on en vient à considérer comme une violence à condamner tout questionnement, même argumenté, sur le travail de la police, on est proche de basculer dans le totalitarisme. Car en démocratie, il est normal et souhaitable que la police, comme tout service public, soit interrogé et, si le constat s’impose, remise en question afin de l’améliorer.
Cette conception n’est pas sans rappeler le récent procès intenté par la justice luxembourgeoise à un lanceur d’alerte et un journaliste sur l’affaire Lux Leaks où elle souhaite les condamner poura avoir alerté sur des… malversations !
On ne touche pas au paradis fiscal et son système opaque. Pour certains, on ne touche pas à la police et à son opacité.
Ce type de conception qui en vient à interdire à des médias et à des experts de critiquer la police est une dérive dangereuse. Quel en sera les limites ? Demandera-t-on un jour aux policiers de manifester contre la justice pour qu’elle cesse enfin de juger des policiers alors qu’elle n’a aucune conscience de la réalité du métier sur le terrain ?
UNE JOURNEE A TRES HAUTS RISQUES
Toujours est-il qu’en choisissant cet angle « d’attaque » de la haine anti-flic, les organisateurs prennent la responsabilité de « jeter de l’huile sur le feu », en chauffant toujours plus à « blanc » leurs « troupes », et par ricochet ceux qui ne manqueront pas de venirleur faire face et qui appellent déjà, ici et là, à venir occuper la « place » avant l’arrivée des policiers qui manifesteront.
Un exemple suffira à illustrer ce qui précède :
– la manifestation parisienne est « convoquée » à midi place de la République, lieu ou se tiennent chaque jour les assemblées générales de « Nuit Debout », mouvement que ne « portent pas dans leur cœur » de très nombreux syndicats de police. Une provocation qui n’a visiblement pas émue le préfet de police qui l’a autorisée sur ce lieu, alors qu’il aurait très bien pu, imposer aux organisateurs d’en choisir un autre, et ce, afin de faire retomber la tension.
Pour être tout à fait précis, le préfet de police autorise la manifestation organisée par Alliance, mais pas celle initiée par Unité-SGP-FO, finalement tout bonnement interdite. Ce parti pris du préfet de police ne manque pas de nous interpeller quand on sait que c’est le premier nommé qui est le plus haineux – et de loin – dans son appel…Comment ne pas y voir un soutien appuyé de l’institution aux revendications d’Alliance ?
En réponse, le collectif « Urgence Notre Police Assassine » appelle à un « contre- rassemblement face à la police » au même endroit, mais à… 11heures (9).
Indiscutablement, il y a [malheureusement] de « l’électricité dans l’air ».
UNE JOURNEE SANS RISQUES PARTICULIERS SI…
– les organisations syndicales retirent leur mot d’ordre principal aussi dangereux qu’erroné pour ne mettre en avant que les revendications, elles, tout à fait légitimes : mettre fin à la dégradation continue des conditions de travail aggravée par la mise en place des mesures liées à l’état d’urgence, revalorisation salariale, etc.
– si les lieux de rassemblements se transforment en véritables lieux de débat sur différents sujets y compris la place et le rôle de la police dans la société, la question des violences dans les manifestations n’en étant qu’une {petite] illustration.
Ce débat est absolument indispensable. SUD INTERIEUR y est d’autant plus ouvert avec qui le voudra que nous réfléchissons depuis longtemps sur le sujet (10).
– si les organisations syndicales policières annoncent clairement leur soutien à la mobilisation sur la loi sur le travail.
Plusieurs syndicats de police appelant à manifester appartiennent à des confédérations demandant le retrait du texte. Si la CGT Police le fait régulièrement, il n’en va pas de même pour Unité SGP Police-FO qui est pourtant membre de Force Ouvrière.
Quant à Alliance et Synergie Officiers, ils sont membres de la CFE-CGC, qui sans en demander le retrait, explique que le projet est inacceptable en l’état.
SUD INTERIEUR ne doute pas une seconde que la prise en compte des 3 propositions ci-dessus (non exhaustives) aurait un effet positif sur le climat de la journée. Le seront-elles ?C’est une autre histoire.
Reste une inconnue de taille : l’attitude des autorités et les instructions qui seront données aux forces de l’ordre pour « traiter » ces manifestations ?
QUE VA FAIRE SUD INTERIEUR CE 18 MAI ?
Nous n’appelons pas les policiers à manifester le 18 mai, en tout cas, certainement pas sur principal mot d’ordre proposé. Néanmoins, des militants de SUD INTERIEUR se rendront sur la place de la République afin de discuter et tenter de faire passer le message que les policiers
sont instrumentalisés.
POLICIERS : POUR VOUS AUSSI, LA REVOLTE COMME « PLANCHE DE SALUT »
Membre de l’Union syndicale Solidaires, SUD INTERIEUR vous appellent à vous joindre [enfin] massivement aux manifestations visant obtenir le retrait du projet de loi sur le travail.
À commencer par celles des 17 et 19 mai. Bref, tout simplement à vous insurger vous aussi. Pourquoi ?
Parce que tout policier que vous êtes, vous êtes des travailleurs qui avez beaucoup plus à redouter des véritables Casseurs des droits sociaux que sont les gouvernement, Medef, mais aussi les organisations syndicales qui les accompagnent dans ce travail de dynamitage, que des manifestants – fussent –ils affublés du sobriquet de « casseurs » – qui s’y opposent.
Il serait naïf de penser que la loi El Khomri ne touchera pas les fonctionnaires. En premier lieu, elle s’abattra sur nos proches travaillant dans le privé mais elle pourrait à terme nous
concerner directement.
N’oublions pas que la remise en cause du statut des fonctionnaires est l’une des cibles des politiques libérales, quelque soit le parti au service du patronat et de la finance. Macron, Valls, Juppé ou Sarkozy ont publiquement désigné le statut de fonctionnaire comme un obstacle à abattre.
Ce combat est donc aussi le vôtre.
Montez dans le train en marche qui nous mènera à cette victoire qui nous « tend les bras » si nous savons saisir notre chance. L’obtenir définitivement, c’est ensuite s’offrir la perspective d’autres dont les policiers seront aussi les bénéficiaires.
SUD INTERIEUR :
DU FOND ET DE LA METHODE
REJOIGNEZ SUD INTERIEUR
(2)http://www.alliancepn.fr/media/stop-a-la-haine-anti-flic-13835; http://www.fpip-police.fr/wp-content/uploads/2016/05/Appel-%C3%A0-la-manifestation-nationale-du-18-mai.pdf; http://unsa-police.fr; http://www.alternativepn.fr/medias/files/06-05-2016-manifestations-syndicales.pdf; http://scsi-pn.fr/wp-content/uploads/2016/05/STOP_VIOLENCE.pdf; http://www.unitesgppolice.com/mouvement-national-du-18-mai-2016
(3) Une « coproduction » parfaitement mise en évidence dans l’article de l’association action critique médias (Acrimed) du 11 mai 2016 « Loi travail : matraquages médiatiques sur les manifestations » :
http://www.acrimed.org/Loi-travail-matraquages-mediatiques-sur-les
(4) Appel à manifester contre la violence antiflic, Alliance Police Nationale :
http://www.alliancepn.fr/media/manifestation-du-18-mai-les-violences-anti-flic-policiers-vous-etes-tous-concernes- 13894
(5) Antiterrorisme, histoire d’une faillite,
(6) La vérité sur l’assaut du RAID à Saint Denis, Mediapart 31/01/2016
(7) « Police et Minorités Visibles à Paris : les contrôles d’identité », Fondation Open Society Juin 2009 https://www.opensocietyfoundations.org/node/50020
(8) http://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CAT/Shared%20Documents/FRA/INT_CAT_COC_FRA_23916_F.pdf
(9) https://paris-luttes.info/appel-a-la-mobilisation-contre-l-5639.)
(10)https://sudinterieur.fr/2015/04/15/service-public-de-la-securite-les-propositions-non-exhaustives-de-sud-interieur/