Police, sécurité et prévention : changement de cap ?

Tract du mois d’octobre 2012 diffusé dans plusieurs commissariats parisiens :

    CHANGEMENT DE CAP ?

Après environ 4 mois d’exercice gouvernemental, si le changement se fait attendre dans les commissariats, le discours a un peu changé. Exit la RGPP, exit la politique du chiffre, exit la baisse des effectifs… Néanmoins, entre les paroles et les actes, il y a l’incertitude et le questionnement ! Si les départs en retraite seront remplacés et 288 postes de gardiens de la paix créés, les nouvelles Zones de Sécurité Prioritaires vont une nouvelle exiger des effectifs que les créations de poste ne pourront assumer. Quels services, quels commissariats se verront déshabiller une nouvelle fois ? Cependant, l’arrêt de création de brigades spécialisées à chaque fait divers, annoncé par le nouveau ministre de l’Intérieur, est une bonne nouvelle.
Bien entendu, la hausse du budget est positive même si cela sera toujours insuffisant au regard des besoins (il en est de même pour l’ensemble du service public). Mais, au delà de l’aspect budgétaire et matériel, c’est un changement de cap qui est exigé. Un changement qui va bien au delà des discours sur les contrôles d’identité, des nouvelles règles statistiques et de la réforme organisationnelle des services. Après dix ans d’hystérie sécuritaire et d’opposition police-justice ou population-police, c’est un virage complet qu’il faut opérer.


    Quelle place pour la prévention dans la police ?

Là encore, des questionnements ! Quelle place pour la prévention au sein de la police ? Pour le moment, le ministère n’y a pas réellement répondu tant sur le fond (quelle prévention?) que sur la forme (quel avenir pour les services de prévention ? Quels moyens?). Les récentes sorties du ministre ou du gouvernement à l’occasion de faits divers semblent bloquer le pouvoir actuel dans une logique de réponse policière plus que d’anticipation sociale et sociétale. Nous le répétons : la police ne peut pas tout (et elle ne le doit pas) ! Il est illusoire de continuer à le faire croire à la population, au risque d’une nouvelle désillusion. Dans tout cela, à quelle sauce sera mangé le policier ? Les années à venir ne seront pas roses. Certes, la RGPP semble abandonnée par le gouvernement mais la signature du Pacte Budgétaire Européen ne fera qu’entériner une politique de rigueur au niveau français et européen. La RGPP abandonnée mais la politique qui la sous-entend continue. Lors des rencontres entre les syndicats, le patronat et le gouvernement, ce dernier a été clair. Pour la Fonction Publique, il y aura dialogue mais aucunement sur les salaires et l’emploi, pourtant deux enjeux clés pour les salariés et le pays.

    La souffrance au travail

Heureusement, le gouvernement et le ministère de l’Intérieur semblent vouloir s’emparer de la question de la souffrance au travail et du management. Sud Intérieur ne peut que s’en féliciter puisque nous travaillons ardemment sur ces questions depuis notre création. Ce sera un vrai test pour ce gouvernement ! Mais, aurons-nous droit à une remise en question des conditions de travail actuelles, des relations hiérarchiques et du management ? Ou simplement à quelques mesurettes ?
Car, s’il est impératif de travailler sur la relation police-population, il est tout aussi essentiel de redéfinir les relations hiérarchiques et le management policier. Il est tout aussi nécessaire de travailler à la protection fonctionnelle des policier-ères qu’à leur protection dans le cadre de leurs relations de travail. Des conditions fondamentales à une évolution positive du métier de policier autant pour le policier lui-même que pour les usagers de la sécurité.
Sud Intérieur sera vigilant sur l’ensemble de ces dossiers même si le ministère continue de refuser à nous recevoir et à nous entendre. Il semble clair que le patronat entend toujours avoir la main-mise sur la relation entre les partenaires sociaux et le gouvernement. Et celui-ci lui emboîte le pas. Appliqué à notre ministère, la parole des gardiens de la paix, des ADS, des administratifs sera-t-elle entendu ? Nous craignons que non… ou de manière très limitée. Nous serons aux côtés de l’ensemble des salarié-es de notre ministère pour que leurs voix soient entendues et que leurs opinions soient participatives d’une nouvelle évolution de nos métiers !

    LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL NE SE LIMITE PAS AUX SUICIDES

Lors de son discours cadre sur la sécurité du 19 septembre 2012, le ministre de l’Intérieur a brièvement évoqué la souffrance des personnels sous l’angle de la prévention contre le suicide. Le problème est que les campagnes sur les risques psychosociaux engagées par l’administration sont majoritairement centrées sur la prévention des suicides, qui eux-mêmes sont quasi-systématiquement abordés sous le seul angle de la vie personnelle. Les récents propos du ministre ne sont pas de nature à nous rendre optimiste pour l’avenir. Harcèlement moral et/ou sexuel, relations hiérarchiques obsolètes, robotisation du métier de policier, conditions de travail indignes, relation avec les usagers compliquée voir conflictuelle, violences envers les policier-ères exacerbées, atteinte à leur esprit d’initiative et infantilisation par la hiérarchie, la souffrance au travail a de multiples visages ! Dans un contexte de crise sociale et sociétale, avec des perspectives de carrière et de retraite difficiles, la souffrance au travail devient bien plus prégnante.

Ainsi, la souffrance ne se traduit pas seulement par des suicides ou des dépressions et peut avoir des conséquences moins graves dans les actes mais tout aussi graves dans le cheminement de vie : stress quotidien, relations conflictuelles au travail mais aussi dans sa vie privée, maladies psychosomatiques, violences… Des mesures ont été pris depuis de nombreuses années (médecine de prévention, CHSCT, psychologues internes…) mais seulement pour traiter les conséquences. Jamais les causes !
Si le travail du policier a du s’adapter à de nouvelles contraintes réglementaires ou législatives pour répondre aux normes sociales d’une démocratie toujours en évolution, les fondements même de l’organisation policière n’ont pas ou peu changé. Même le nouveau management mis en exergue lors de la réforme des corps et carrières de 2004 n’a été qu’un mot nouveau pour cacher les vieilles pratiques (relations hiérarchiques infantilisantes et dégradantes) et la robotisation du policier, plus outil d’une politique sécuritaire qu’agent du service public, capable de discernement, d’initiative et d’innovation. En plus des solutions liées aux salaires, au statut, au déroulement de carrière, aux conditions matérielles de travail et à la relation avec la population, d’autres mesures doivent être pris à court ou moyen terme :

    ✔ Suppression du Corps de Conception et Direction
    ✔ Passage obligatoire pour tout policier-ère par le Corps d’Encadrement et d’Application (école, stage puis deux années de service)
    ✔ Diversification dans le recrutement du Corps de Commandement par une refonte du concours
    ✔ Accès plus favorisé aux Corps de Commandement pour les agents du Corps d’Encadrement et d’Application
    ✔ Rétablissement du droit de grève (comme cela existe dans plusieurs États européens)
    ✔ Suppression de l’IGS et remplacement par une autorité administrative indépendante intégrant des magistrats, des élus, des policier-ères, etc.
    ✔ Respect du droit syndical
    ✔ Respect de la liberté d’expression des fonctionnaires de police (le devoir de réserve ne doit pas servir à museler la parole des policier-ères)

Les relations hiérarchiques, l’exercice du pouvoir disciplinaire, le devoir de réserve sont d’autant de sujets qui doivent être repensés aujourd’hui, de manière participative, afin de faire entrer la Police Nationale (et par la même la Gendarmerie Nationale) dans le XXIème siècle, en conformité avec les aspirations démocratiques et républicaines des citoyen-nes, dont font partie les policier-ères.

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La suite de ce tract 4 pages dans ce document PDF : Tract octobre 2012

Dessins : Titom (common licence).

2 réflexions sur « Police, sécurité et prévention : changement de cap ? »

  1. OK sur la démarche…

    Mais mélanger condition de travail et problème hiérachique dans le même paragraphe…

    Je pense que le coté petit chef casse pied est inhérant à l’humain, mais je pense également que le coté je suis pas chez moi, alors je pose les pieds sur la table et j’écris sur les mus : aussi

    J’ai visité un comissariat hier (dans le 93), pours résoudre des problèmes liés aux conditions de vie (travail/passage/entretien/…) En effet, elles y sont lamentables.

    Par contre, l’ambiance générale et l’entente entre policiers (je ne sais pas reconnaitre les “grades”) étaient cordiales et amicales

    Là le problème est lié aux conditions de vie, avec un souci lié au bâti, à l’usage et au respect du bâti… pas lié à la hiérrachie.

    En gros, si déjà les hommes et femmes en bleus respectaient l’enceinte dans laquelle ils travaillent et vivent… leur hiérarchie serai sans doute moins sur les nerfs. Elle pourraient s’occuper d’eux avant d’avoir à gérer les problème de WC bouchés, vestiaires défoncés et autres…

    Bon courage.

  2. Attention, ce n’est pas une remise en question du principe hiérarchique mais un questionnement sur le fonctionnement actuel.

    Heureusement, la plupart du temps, cela se passe plus ou moins bien mais parfois, quand cela se passe mal, le fonctionnement actuel de la hiérarchie, qui ne s’arrête pas à la hiérarchie directe, peut être défaillant voir malveillant pour un fonctionnaire. Ce qui induit parfois des procédures civiles, pénales ou internes entre tel fonctionnaire et tel fonctionnaire.

    Bien entendu, notre vision du problème n’est pas de dire que tout chef est méchant et tout subordonné une victime. Simplement remettre en question le fonctionnement actuel du principe hiérarchique qui peut peser parfois sur le travail des fonctionnaires de police et donc sur leurs conditions de travail, l’extrême étant le harcèlement par une autorité hiérarchique.

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