Loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels

dans la fonction publique : l’arme de destruction massive pour mettre en place la RGPP

Publiée au Journal officiel le 6 août 2009, en pleine… été, cette loi du 3 août, n’a pas pour objet, comme pourrrait le laisser croire son titre, de favoriser aussi bien une mobilité choisie que la carrière des agents. Ce texte est tout au contraire l’instrument qui doit permettre d’imposer les mobilités forcées dans le cadre des restructurations – suppressions massives de services entiers et des postes qui vont avec.

C’est Jacques Bénisti, député UMP, qui le rappelle brutalement dans son rapport parlementaire enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 4 juin 2008 (1) : « Les restructurations d’administrations de l’État menées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques doivent s’accompagner d’une plus grande mobilité des fonctionnaires […] Ces diverses restructurations aboutissent à la suppression de nombreux postes et nécessitent de redéployer les fonctionnaires dont l’emploi a été supprimé […] Le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a pour but de développer la mobilité des fonctionnaires en levant un certain nombre de blocages statutaires, tout en facilitant la gestion par les employeurs publics de leurs effectifs, notamment dans le cadre de restructurations ».

Les dispositions les plus dangereuses

L’article 1er crée une nouvelle disposition statutaire dite « d’intégration directe » dans son administration d’accueil. A première vue affriolante, cette disposition vise à rendre pratiquement impossible tout retour dans son administration d’origine. Elle va surtout servir à ajuster les effectifs en fonction des nécessités des employeurs au gré des restructurations en cours.

L’article 6 prévoit qu’ « un fonctionnaire de l’Etat […] conduit, […] à l’initiative de l’administration, à exercer ses fonctions dans un autre emploi » dans une des trois fonctions publiques, bénéficiera « à titre personnel du plafond le plus élevé du régime indemnitaire ».

Auparavant, en cas de suppression d’emploi, le fonctionnaire de l’Etat, restait au bercail, puisqu’il était affecté dans un emploi de son corps d’origine au besoin en surnombre. Désormais, il pourrait être affecté [même provisoirement] dans les deux autres fonctions publiques territorial et hospitalière. « La carotte » du bénéfice du plafond le plus élevé du régime indemnitaire entre son employeur d’origine et son employeur d’accueil, cache mal la possibilité quaura l’administration de déplacer les agents là où bon lui semblera[voir article 7]. C’est aussi un nouveau pas vers l’individualisation des rémunérations, au mépris des solidarités entre les agents d’un même service. En outre, il exonère l’administration de toute disposition visant l’harmonisation des régimes indemnitaires.

Car refuser une affectation provisoire pourrait avoir de fâcheuses conséquences…

L’article 7 crée en effet une autre nouvelle position statutaire dite « de réorientation professionnelle ». Il s’agit de l’ultime arme pour imposer une mobilité à tout agents qui la refuserait l’occasion d’une restructuration de son service avec suppression de son poste. En cas de non acceptation de trois propositions consécutives, la sanction pourra tomber : « disponibilité d’office [sans traitement] ou le cas échéant[admission]à la retraite ». Une manière habile de procéder, sous couvert de mise en disponibilité d’office, à des licenciements dans la fonction publique d’Etat. Mais plus sûrement d’exercer un odieux chantage aux nombreux agents concernés. Vous prenez le poste si « gentiment » offert ou la porte de… sortie.

Les dispositions les plus dangereuses, suite

Bien évidemment, les agents en situation de « réorientation professionnele » auront la prirorité de mutation par rapport aux collègues en place. Autant dire que les collègues qui faisaient des demandes volontaires et « ordinaires » de mutation, seront lourdement pénalisés. C’est bien la preuve irréfutable qu’il ne s’agit pas de favoriser la mobilité choisie. L’imposture est ici démasquée de manière éclatante.Cet article prévoit enfin d’inciter les fonctionnaires à rejoindre « le secteur privé », soit en y trouvant un emploi salarié, soit en créant leur entreprise. Autrement dit, foutez-le camp !

L’article 14 autorise le cumul d’emplois à temps incomplet entre les trois versants de la Fonction publique, L’un d’entre eux devant correspondre à un service « au moins égal au mi-temps ». Le nécessaire accord de l’agent est un leurre. Le seul choix possible : accepter, sinon… Cerise sur le gâteau, le projet de décret tel que nous le connaissons aujourd’hui, ne prévoit aucune limitation kilométrique entre les différents lieux de travail… Un mot pour qualifier cette situation : flexibilité.

L’article 20 élargit pour la Fonction Publique de l’Etat (FPE), les cas de recours à des agents contractuels. Jusqu’alors, le texte prévoyait queles remplacements des fonctionnaires « dans la mesure où ils correspondent à un besoin prévisible et constant[devait] être assurés en faisant appel à d’autres fonctionnaires ». Aujourd’hui, le nombre de contractuels risque d’exploser puisque il pourra dorénavant être fait appel à eux « pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires[…]ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d’un an à la vacance d’un emploi qui ne peut-être pourvu immédiatement ».

L’article 21 offre le loisir aux administration de recourir aux services d’agences d’intérim «  pour des tâches non durables, dénommés missions ».

La combinaison de ces deux articles 20 et 21 est absolument redoutable. Elle devrait permettre en effet à l’administration de limiter drastiquement les recrutements statutaires en généralisant ceux de contractuels et d’intérimaires. Soit exactement la même stratégie que celle mise en place à Frace Télécom et à La Poste. Nul besoin ainsi de supprimer le statut ; il suffit simplement de l’éteindre à petit feu.

La précarité devrait donc s’aggraver

Aujourd’hui, sur 5,399 millions d’agents travaillant dans les trois fonctions publique d’Etat, Hospitalière et Territoriale, on compte déjà 841 709 non-titulaires auxquels s’ajoutent 131 100 emplois aidées, soit 18 % du total, en progression constante (2) . Ainsi, le nombre non-titulaires[hors emplois aidés] est passé de « 14,1 % à 16,0 % des effectifs entre 1996 et 2007 » (2) . Nombre d’entre eux occupant d’ailleurs des emplois permanents devant normalement être occupés par des fonctionnaires.

Cette loi scélérate ne va donc pas seulement légaliser les pratiques illégales déjà existantes, elle va faire exploser le nombre d’agents non statutaires. Il faut donc bien prendre la mesure du danger qu’elle représente et en obtenir impérativement le retrait.

RGPP : ne surtout pas croire que le jeu de massacre n’aura pas lieu

Le même scénario a déjà été testé à France Télécom mais aussi à la Poste : gigantesques réorganisations-suppressions de services ; mobilités massives imposées aux agents, encore aujourd’hui et parfois pour ne pas dire souvent, à plusieurs reprises.

Organisation de nombreux détachements vers d’autres administrations, notamment au MIOCT[pour permettre la suppression massive des postes en vue de la privatisation], ce qui rendait plus difficile les mutations « ordinaires », sans que les collègues de France Télécom et de La Poste puissent être incriminés. Ils cherchaient simplement à éviter des situations intenables pour eux.

Pour ce qui concerne notre avenir, François Fillon n’a pas montré de vélléités d’arrêter les frais, bien au contraire. A l’occasion de la “XVIIe Conférence des Ambassadeurs” du 27 août 2009, il a en effet déclaré : « Nous allons poursuivre notre effort de réforme des politiques publiques qui réclament plus que jamais une réforme des structures administratives et une baisse des effectifs. Nous allons poursuivre la révision générale des politiques publiques et nous allons mener dans le même temps un combat décisif : celui de la maîtrise des finances publiques » (3) .

RGPP dans les préfectures

Ici comme ailleurs, nous avons assisté à une parodie de démocratie. Directives imposées par le gouvernement. Ici comme ailleurs, le non remplacement de plus d’un agent sur 2 partant à la retraite est le lot commun. Ici comme ailleurs, les mouvements de personnels conséquence des restructurations seront particulièrement massifs et échelonnés sur plusieurs années. Ici comme ailleurs, la qualité du service public continuera de se dégrader pour n’être plus, au final, qu’un lointain souvenir. C’est bien un désastre qui nous attend tous, agents et usagers, si nous ne relevons pas la tête tous ensemble.

Stopper la machine infernale, c’est possible

Pour cela, il faut absolument que chacun d’entre nous soit convaincu qu’il est possible de stopper net le TGV de la destruction de nos services et du statut de la fonction publique.

Sud Intérieur et plus généralement, toutes les composantes de l’Union syndicale Solidaires, feront le maximum pour construire le rapport de forces nécessaire pour obliger le gouvernement à reculer. Le ras-le-bol, voire parfois l’exaspération, sont bien là. Ils doivent déboucher sur une mobilisation collective d’ampleur, y compris au MIOCT. Sud Intérieur va agir pour qu’elle s’organise avec les autres organisations syndicales.

Une chose est certaine en tout cas : si nous refusons de « combattre », nous subirons un nouveau « Waterloo ». Une perspective que nous devons refuser.

Les revendications de Sud Intérieur

  • l’arrêt immédiat de la RGPP et des suppressions de postes qui l’accompagnent ;
  • le retrait de la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ;
  • un grand plan de titularisation des personnels sous contrat ;
  • le rattappage des 9 % de perte de salaire depuis 2000 ;
  • des augmentations pérennes en points d’indice donc la suppression de l’évaluation et de son pendant, les primes au [faux] « mérite », qui s’y substituent de plus en plus aujourd’hui. Non à la modulation salariale qui met en concurrence les agents ;
  • Une augmentation immédiate des salaires, des pensions et des minima sociaux de 300 € nets avec un Smic à 1500 € net très rapidement ;
  • le retour à une retraite à taux plein après 37,5 années de cotisation ;
  • le maintien et le renforcement des bonifications attribuées aux femmes qui ont eu des enfants donc le refus de toute nouvelle remise en cause actuellement en préparation ;
  • l’ouverture immédiate d’un grand débat démocratique sur l’avenir de nos administrations et d’une négocation sur les salaires.

Construire une stratégie gagnante interprofessionnelle

Dans la situation actuelle, la construction d’une grève générale inter-professionnelle public-privé, que L’Union syndicale Solidaires revendique et fait tout son possible pour construire, doit clairement être posée. Des journées d’actions espacées, aussi réussies soient-elles, ne suffiront pas à faire radicalement changer le gouvernement(et ses donneurs ordres du MEDEF) de politique favorable aux nantis acclamée et soutenue par les médias dominants. Elles sont néanmoins tout à fait nécessaires pour consolider le rapport de forces.Nous recherchons d’abord ce qui unit, plutôt que ce qui divise. Mais nous savons aussi, par expérience, que la recherche de l’unité doit toujours se faire sur des bases revendicatives précises.

Ainsi, une unité au contenu trop évasif ne permet pas de donner de l’ampleur nécessaire au rapport de forces. Le refus des directions syndicales nationales[à l’exception notable de celle de notre Union syndicale]de proposer des perspectives immédiates susceptibles d’amplifier encore les formidables mobilisations des 29 janvier et 19 mars 2009 est venu nous le rappeler sèchement. Sud Intérieur fait ici un constat[partagé par de nombreux autres syndiqués et non syndiqués] dont l’objectif n’est pas de donner des leçons, mais simplement d’interroger la stratégie menée jusqu’à aujourd’hui, qui s’est révélée insuffisante pour faire échec aux coups de butoir du gouvernement. Nous ne détenons pas la science « infuse », nous essayons, modestement, de tirer les enseignements du passé pour construire un avenir victorieux.

Rejoindre maintenant Sud Intérieur, c’est refuser la fatalité.


 
(1) consultable sur le site http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r0926.asp ;
(2) « Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2008-2009 » consultable sur le site http://www.fonction-publique.gouv.fr/IMG/Rapport_annuel_2008_2009.pdf ;
(3) consultable sur http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/

Solidaires Unitaires Démocratiques Intérieur – Membre de Sud Collectivités Territoriales – Membre de l’Union Syndicale Solidaires – Septembre 2009 – 80-82, rue de Montreuil 75011 Paris