Procédure d’évaluation – Refus de communication de documents par le Préfet de Seine-Maritime

Paris, le

Madame le Ministre,

Dans quelques mois, l’ensemble des agents qui sont concernés par le dispositif, devraient faire l’objet d’une convocation à leur entretien annuel.

En préambule, nous vous indiquons notre surprise sur la non réponse à notre précédent courrier du 28 février 2007 sur le même sujet. Dans un contexte où le dialogue social est érigé en vertu cardinale, vous conviendrez avec nous que ce genre de silence n’en est pas la meilleure illustration.

Vos services nous ont confirmé le le choix fait de mettre en place en 2008 la procédure expérimentale évoquée dans le décret du 17 septembre 2007 et complétée par l’arrêté du 18 février publié au Journal Officiel le 29 (1).

Vous connaissez parfaitement notre opposition à un tel dispositif dont nous considérons qu’il ne fera qu’aggraver la détérioration des conditions de travail des agents, consciemment ou inconsciemment amenés à faire du “chiffre” sur ce qui sera considéré comme prioritaire et à “lever le pied” sur le reste ; avec un instrument pour cela, une modulation salariale renforcée par le biais de primes d’objectifs et de réductions d’ancienneté accélérées. Cela revient à appliquer à la fonction publique des méthodes importées du privé, basées en tout premier lieu sur la rentabilité. Orienter les administrations dans cette direction, c’est préparer l’abandon progressif de son objet premier : assurer une égalité de traitement à tous les citoyens en accordant aux plus précarisés une attention toute particulière. Couplé à une politique de réduction massive d’effectifs, cela n’augure rien de bon pour les agents et la qualité du service public assuré aux usagers.

Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le dire. Maya Bacache – Beauvallet, Directeur du pôle économie de l’EDHEC Buisness School de Lille – Nice l’exprime également sans ambiguïté dans son rapport publié en octobre 2006 : ” On ne saurait importer sans discernement les outils de gestion du privé sans mettre à mal cet objectif égalitaire. Cela ne veut pas dire que l’égalité nuit à la performance, cela veut dire qu’il faut imaginer d’autres outils de réforme de l’Etat, outils qui ne soient pas la copie du privé[..]Inciter à la performance par une prime au résultat contient un risque important de détournement du principe égalitaire. Inciter le fonctionnaire, c’est l’inciter à sélectionner l’usager” (2)).

Si nous avons bien noté dans votre circulaire du 20 février 2008 mise en ligne le 4 mars, que vous indiquiez explicitement le caractère non-obligatoire de la signature du compte – rendu, celle au contraire obligatoire de la transmission à l’agent de ce document, que l’agent devait être convoqué au moins 8 jours avant et enfin, qu’il disposait bien d’un délai de 8 jours pour présenter ses observations écrites après la transmission du compte – rendu, nous vous demandons néanmoins de bien insister dans vos différents supports d’information à venir (mémento, diaporama, autres) ainsi qu’auprès des agents qui seront en formation à Lognes les 27 et 28 mars 2008, sur le respect du dispositif (ce qui a été loin d’être toujours le cas) en le complétant par d’autres, passés sous silence dans la circulaire et pourtant d’importance :

  • la participation à l’entretien n’a aucun caractère obligatoire. Une éventuelle non participation n’empêche en rien la transmission (obligatoire) du compte – rendu à l’agent avec l’énumération par le supérieur hiérarchique direct des différents points devant être renseignés et d’apprécier sa valeur professionnelle. L’agent a ensuite la possibilité d’y introduire ses remarques, non immédiatement mais bien dans le délai de 8 jours précité.

Sur ce point très précis, le dispositif appliqué jusqu’en 2007, nous a enseigné que des agents n’ayant pas participé à cet entretien ont toutefois été notés et bénéficié de réductions d’ancienneté.Quelle plus belle illustration du fait que des agents ayant manifesté un tel refus peuvent donc sans aucun problème bénéficier d’un avancement accéléré au regard de la moyenne.

  • le supérieur hiérarchique des agents évalués doit lui-même avoir fait l’objet de sa propre évaluation.

Concernant le point particulier de la signature ou non du compte – rendu, nous demandons sur ce dernier aspect une particulière vigilance. De trop nombreux chefs de service laissent encore croire que cette signature serait obligatoire alors que vous confirmez que ce n’est absolument pas le cas. Un certain nombre laissent aussi penser aux agents, qu’en plus de l’obligation de signer, ils devraient le faire au moment où ils reçoivent les documents. Là encore, il s’agit d’un détournement de la procédure. Nous insistons donc pour que soit particulièrement attirée l’attention des évaluateurs sur ce point précis.

Enfin, nous tenons à vous faire part d’une dernière remarque :

  • que les agents qui le souhaitent et qui se rendront à cet entretien soient assistés. Etant donné les enjeux et les conséquences sur leur carrière, cette requête est parfaitement légitime, d’autant plus que la procédure continue de rester muette sur ce sujet. Ne serait – ce pas aussi l’occasion de légitimer les organisations syndicales, dont le gouvernement ne cesse de mettre en avant le rôle incontournable ? Nous vous demandons donc de préciser dans vos instructions aux services que cette possibilité est ouverte aux agents.

Cette période d’évaluation (qui se déroule rappelons – le dans un rapport hiérarchique de subordination entre l’agent et l’évaluateur) est le plus souvent redoutée par les personnels comme nous le confirment chaque année de nombreux témoignages. Dans ces conditions, le respect scrupuleux de la procédure leur présentant bien l’ensemble des paramètres, aussi bien ceux qui ont un caractère obligatoire que ceux qui n’en ont aucun, constitue, quelque soit l’analyse que l’on puisse avoir de cette évaluation, le socle minimum à respecter.

Le second point sur lequel nous tenions également à attirer votre attention concerne les agissements pour le moins cavaliers du corps préfectoral à l’encontre de nos représentants en Seine-Maritime. En effet, malgré un jugement du Tribunal administratif de Rouen du 11 octobre 2007 enjoignant au Préfet de Seine-Maritime de nous communiquer dans le mois suivant sa notification (intervenue le 19), une copie des convocations et des ordres du jour des comités techniques paritaires, celui – ci s’obstine à se dérober, s’affranchissant ainsi d’une décision de justice !

Par ailleurs, un certain nombre de comptes – rendus de réunion de CTP dans cette préfecture ne sont toujours pas mis à la disposition des agents (sur le site interne). Ainsi un énorme « trou noir » existe entre celui du 18 octobre 2005 et du 21 septembre…2007 (3). Nous savons que ces écrits existent puisque cela nous nous a été confirmé par l’administration locale elle – même ! Malgré nos relances, toujours rien. Faut – il rappeler que la mise en ligne partielle de ces documents est intervenue suite à l’introduction d’une requête devant la juridiction administrative ?

Alors que les Préfets sont chargés de faire respecter la légalité républicaine, vous conviendrez que cette attitude est pour le moins désinvolte pour ne pas dire inadmissible. Nous souhaitons donc que vous interveniez le plus rapidement possible auprès du Préfet de Seine-Maritime, pour qu’il remédie dans les meilleurs délais à ses “anomalies” .

Enfin, nous en profitons pour réitérer notre demande d’entretien avec vous pour évoquer l’ensemble des sujets qui concernent le champ d’intervention du ministère.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Madame le Ministre, à l’assurance de nos salutations syndicalistes.

Pour Sud Intérieur, Le secrétaire national,

Bruno Blin


 
(1) Le 15 février, lors d’un entretien téléphonique
(2) Consultable sur www.edhec.fr
(3) Le compte – rendu du 14 décembre 2007 n’est lui non plus toujours pas en ligne


Copies :

  • Bernadette Malgorn – Secrétaire Général du Ministère
  • Bernard Schmeltz – Directeur des Ressources Humaines
  • Wael Risk – Chef du Bureau des Affaires Générales, des Etudes et des Statuts

Syndicat Solidaires Unitaires Démocratiques Intérieur – Membre de la Fédération Sud Collectivités Territoriales – Membre de l’Union Syndicale Solidaires – 80, 82 rue de Montreuil 75011 PARIS – Contact : Denis PERAIS Préfecture de Seine-Maritime