Deux morts à VILLIERS-LE-BEL : les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets

Le 26 novembre 2007, deux jeunes adolescents trouvent la mort suite au choc de leur mini-moto avec un véhicule de police. Nicolas Sarkozy n’a pas prononcé le moindre mot à leur endroit dans son intervention télévisée du 29 novembre 2007.

Bien évidemment, les premières pensées de Sud Intérieur sont allées aux familles des deux adolescents.

Conscient du rejet toujours plus important de sa politique de régression sociale, le président de la République a utilisé une ficelle bien connue, sous le regard “complice” de ses deux hôtes, Arlette Chabot et Patrick Poivre d’Arvor (1), pas le moins du monde contrariants : la diversion. En faisant de la surenchère en matière sécuritaire et en désignant les jeunes révoltés à la vindicte des téléspectateurs. Un véritable “lynchage” en direct.

Sud Intérieur ne commentera pas les circonstances de ces deux décès sans avoir au préalable des éléments d’enquête précis et vérifiés pour le faire. Nous dénonçons par contre l’empressement des autorités à valider immédiatement et publiquement leur version, au mépris des règles minimales de vérification de l’information. Une provocation de plus envers la population ; et qui augmentera encore sa rancoeur vis-à-vis des autres policiers en poste dans ces quartiers. Comme l’a été le déploiement des forces de l’ordre, qui faisait ressembler le quartier à un véritable camp retranché. Inadmissible. Mais de toute façon, quelles que soient les circonstances exactes de ce drame, cela ne change rien sur le fond du problème.

Car la flambée de violence qui a suivi la mort des deux adolescents n’a vraiment rien de surprenant en fait ; elle n’est que la continuation d’un série d’évènements se déroulant depuis des années avec les mêmes acteurs : policiers et jeunes des quartiers populaires.

Dans ces conditions, nous ne pouvons malheureusemement pas être surpris par les tirs sur des fonctionnaires de police. Nous pensons ici aux collègues blessés (2) et particulièrement au Brigadier Hanquer, qui y a laissé un oeil et au Commissaire divisionnaire Illy, pour qui les conséquences des violences auraient pu se révéler plus désastreuses.

Pour condamnables qu’ils soient évidemment, car ces faits le sont, ils représentent néanmoins l’expression la plus violente d’une révolte sociale bien réelle. Comprendre cette révolte, qui par ailleurs est majoritairement soutenue sur le fond par les habitants même s’ils en désapprouvent les méthodes, ce n’est pas excuser les agissements utilisés ; mais comprendre cette révolte, c’est indispensable pour tenter de trouver des solutions aux problèmes posés.

Pour cette raison, les déclarations martiales qui l’ont suivie, notamment celles du président et du premier ministre étaient aussi irresponsables que totalement en décalage avec leurs fonctions. Ces déclarations qui feront encore monter d’un cran le rejet des policiers dans ces quartiers et leur rendront les conditions d’intervention encore plus tendues. Loin en tout cas de la sérénité pourtant nécessaire. De vrais pompiers pyromanes.

Car, contrairement à Nicolas Sarkozy et Fadela Amara qui ont pu déclarer que ces évènements n’avaient à voir qu’avec de la “voyoucratie” et étaient l’oeuvre d’une “minorité”, ceux-ci ont au contraire tout à voir avec la question sociale : chômage endémique dans ces quartiers, sans perspective d’en sortir et cela, notamment en raison d’une discrimination à l’embauche connue de tous, échec scolaire des adolescents, pression policière avec la multiplication des contrôles notamment au ” faciès”, nombre de ces jeunes étant les enfants ou petits enfants d’immigrés (bien que pour la quasi-totalité, français puisque nés sur le territoire national, leur pays).

Pourtant, ce qui se passe reste principalement la conséquence des politiques néolibérales mises en place depuis 25 ans. Vu les ravages qu’elles occasionnent, nous pouvons même nous étonner que ce type d’évènements soit encore exceptionnel. Mais pour combien de temps encore si rien n’est fait ?

Quant aux policiers, agents de l’Etat que Sud Intérieur syndique, nous refusons qu’ils soient utilisés au “maintien de l’ordre” des populations les plus précarisées, dont les adolescents sont désignés comme “les ennemis de l’intérieur”.

Sud Intérieur dénonce, sans la moindre ambiguïté, les violences policières, les contrôles à répétition et énonce clairement aux fonctionnaires qui s’en rendent coupables que nous combattons de tels agissements. Mais cette dénonciation serait insuffisante et hors de propos si les mécanismes qui y conduisent n’étaient pas compris :

  • contexte sécuritaire (présentant les jeunes des quartiers populaires comme responsables de tous les maux de la société), entretenu tant par le gouvernement que par certains dans l’opposition, qui en même temps qu’ils abandonnaient le combat pour la transformation sociale de la société, chaussaient les bottes sécuritaires ; mais aussi par des média qui accourent, audience oblige, dès que des violences éclatent, et qui se font immédiatement plus discrets lorsqu’il s’agit de faire des enquêtes sur les ravages sur ces mêmes quartiers des politiques néolibérales qu’ils acclament. Comment s’étonner alors que des journalistes aient eux aussi été pris à partie par des habitants de la commune ?
  • pression hiérarchique qui pèse sur les policiers travaillant dans ces quartiers les incitant à faire du chiffre pour tenir les objectifs fixés par le gouvernement (et qui a des incidences sur leur rémunération), sans parler d’une formation insuffisante des personnels, souvent impréparés au travail qui les attend.

Comment imaginer qu’un tel conditionnement hiérarchique, médiatique et finalement idéologique n’influe pas sur les agissements des policiers chargés d’intervenir dans des circonstances conflictuelles et induisent parfois de sérieuses dérives comportementales ?

Sud Intérieur sait parfaitement que la position des collègues est délicate. Mais c’est justement parce qu’elle l’est qu’il faut absolument stopper la spirale sécuritaire en route depuis de nombreuses années. Car eux aussi en subissent les conséquences.

Si le gouvernement a argué d’une particulière violence pour déployer un dispositif quasi–militaire à Villiers-le-Bel, il a aussi répondu par la répression aux mobilisations étudiantes pacifiques pour la plupart contre la loi LRU sur l’autonomie des universités, dont les déclinaisons seront d’accroître le pouvoir des entreprises, d’augmenter les frais d’inscription et de livrer à la compétition et à la concurrence non seulement les établissements d’enseignement supérieur entre eux, mais aussi les étudiants : interventions musclées sur les campus universitaires, notamment de Lyon, Montpellier, Nanterre, Nantes, Paris -Tolbiac …). L’usage de Flash-Ball a même été de la partie lors d’une manifestation à Nantes le 27 novembre. Un étudiant, Pierre, a été gravement blessé à l’oeil et a dû être hosptitalisé au CHU. Le pronostic reste réservé concernant le sauvetage ou non de cet oeil.

Très clairement, les policiers sont instrumentalisés pour devenir des contrôleurs sociaux de l’ordre social néolibéral dont ils sont aussi finalement des victimes. Pour Sud Intérieur, cette instrumentalisation est totalement inacceptable et particulièrement dangereuse. Sud Intérieur invite donc les policiers qui travaillent dans les quartiers populaires et qui sont chargés de contrôler les manifestations, notamment étudiantes et lycéeennes à refuser de jouer le rôle dans lequel le gouvernement les confine.

Car ce sont bien les policiers sur le terrain qui subiront chaque jour un peu plus la légitime révolte des habitants des quartiers populaires qui les prendront toujours plus pour cibles ; pour une raison simple : ils y restent souvent les seuls représentants de l’Etat. Un Etat répressif pour les plus prolétarisés. Ce n’est sans doute pas ce qu’ils souhaitent. Et ce sont eux aussi qui, sur le terrain, affronteront une défiance grandissante lors des mobilisations sociales. Il faut donc refuser ces habits de “shérifs” toujours plus répressifs.

Voyons ainsi ce qui s’est passé à Nantes où “près de quatre mille jeunes ont manifesté pour protester contre les violences policières et notamment celle” [de Pierre] (3).

Ce n’est sans doute pas ce que les collègues désirent. Il faut maintenant que ces souhaits commencent à se traduire dans la pratique. Sud Intérieur sera à l’écoute de tous ceux qui lui feront part de leurs doutes mais aussi pour certains, plus nombreux qu’on ne pourrait le croire, de leur conscience de cet engrenage, dont ils ont du mal à sortir. Cet exercice est difficile, mais cela peut être l’occasion de commencer à stopper la machine infernale.

Si l’Etat sait être répressif avec certains, il sait se rendre accommodant avec les… plus nantis. Un exemple parmi d’autres. Arnaud Lagardère, actionnaire d’EADS mais aussi propriétaire de médias (Europe 1, Elle, Paris Match, Le Journal du Dimanche mais aussi première actionnaire du Monde etc…). Cet ami du président est sérieusement soupçonné de délit d’initié pour avoir vendu en avril 2006 ses actions EADS avant que leur cours ne chute en Bourse suite à des retards dans la livraison de l’Airbus A 380. C’est en tout cas les conclusions de l’Autorité des Marchés Financiers qui a transmis le dossier à la justice.

Nicolas Sarkozy, qui a demandé que ceux ayant tiré sur les fonctionnaires de police soient passibles de la cour d’assises (en piétinant au passage, à nouveau la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire), s’est bien gardé, pour le moment, d’exiger une condamnation pour délinquance financière présumée de son ami Arnaud (le faire reviendrait d’ailleurs tout autant à s’asseoir sur la même séparation des pouvoirs). Pourtant, Lagardère Arnaud a réalisé personnellement une plus value de… 60 M€ agrémentée d’un cadeau fiscal de… 4 M€ offert par le ministère des Finances de l’époque dirigé par son autre ami Thierry Breton (4). Sauf erreur, le président actuel et certains des ministres du gouvernement appartenaient déjà au pouvoir précédent et étaient donc parfaitement au courant de la situation. Aucun n’a dénoncé ce véritable scandale. Et aucun n’a cette fois exigé une action… rapide de la justice.

Et Arnaud Lagardère n’a pas été débarqué de l’actionnariat d’EADS dont il est par ailleurs administrateur. Cette confortable plus value personnelle (pour le groupe Lagardère, elle se situe à 850 M€ !) a évidemment une contrepartie : la suppression de milliers de postes chez Airbus en France et en Allemagne. 10 000 prévus dans le cadre du plan Power 8 pour satisfaire l’appétitit de dividendes des actionnaires qui veulent toujours plus.

Mais les délinquances financières (outre les délits d’initiés, la fraude fiscale, les ententes entre entreprises sur les prix, qui valent par exemple au groupe Bouygues (dirigé par Martin, ami personnel de Nicolas Sarkozy) propriétaire de TF1), de faire régulièrement l’objet de condamnations par les tribunaux), et patronale (fraude à l’Ursaff, non respect des contrats de travail, l’entrave au droit syndical etc…), ce ne sont pas la priorité du président et de son gouvernement ; un gouvernement qui ne refuse rien à son amie présidente du Medef, Laurence Parisot, dont il met en musique le programme. Sud Intérieur revendique lui une augmentation sensible des effectifs des brigades financières et des inspecteurs du travail pour lutter efficacement contre cette criminalité en col blanc et patronale.

Ce choix permettrait sans nul doute beaucoup plus rapidement de clore le dossier Lagardère qui serait alors enfin “soulagé” de l’intolérable soupçon de délit d’initié qui pèse injustemement sur lui ? Car le pire pour Arnaud, nous l’imaginons bien, c’est qu’il puisse être suspecté…

Vous l’aurez compris, le gouvernement, soutenu par la chorale pratiquement unanime des médias, livre une véritable “guerre” sociale aux salariés du privé comme du public et autres étudiants, lycéens et chômeurs. Les habitants des quartiers populaires en sont le laboratoire privilégié.

Pour nous diviser, le gouvernement utilise à dessein la thématique sécuritaire avec sa variante immigration où la surenchère succède à la surenchère. Les jeunes des quartiers populaires et les immigrés représentent en effet les parfaits “coupables” pour faire diversion sur une politique économique et sociale qui n’a jamais aussi bien porté son nom : une politique réactionnaire de classe. Une politique contre laquelle la contestation ne cesse de progresser.

Les policiers doivent se convaincre, malgré les difficultés qu’ils peuvent rencontrer sur le terrain, que leur premier adversaire, c’est bien la politique menée par le gouvernement.

LA SEULE SOLUTION POUR S’OPPOSER A CETTE POLITIQUE ANTI-SOCIALE(5) : LA COMBATTRE FRONTALEMENT, POLICIERS COMPRIS !

Un des instruments pour la mettre en pratique : rejoindre Sud Intérieur !

 
(1) Tous les trois sont membres du très “sélect” et très sélectif Club Le Siècle, qui réunit “l’élite” de la politique, de l’enteprise et des médias, une fois par mois dans des locaux de l’Automobile Club de France, place de la Concorde à Paris. On y retrouve aussi par exemple, les journalistes Laurent Joffrin (Libération), Jean-Marie Colombani (Le Monde), Franz Olivier Giesbert (Le Point) mais aussi Louis Schweitzer (ancien PDG de Renault), Michel Pébereau (PDG de la BNP) et encore Laurent Fabius, Jean-François Copé, Dominique Strauss-Kahn ou Nicole Notat etc… Les habitants des quartiers populaires ne font pas partie des invités…
(2) 150 au total. Ce chiffre comprend policers et sapeurs-pompiers ;
(3) passage extrait de l’article de Jean-Luc Porquet, “Des choses qui n’existent pas”, paru dans Le Canard Enchaîné du 12 décembre 2007 ;
(4) ces informations sont citées dans Le Canard Enchaîné du 24 octobre 2007 ;
(5) dont les policiers subissent aussi les conséquences ne l’oublions pas.

Solidaires Unitaires Démocratiques Intérieur – Membre de la Fédération Sud Colectivité – Membre de l’Union Syndicale Solidaires – 80,82 rue de Montreuil – 75011 PARIS – sud.inter@laposte.net