Complément de rémunération au Tribunal Administratif : encore plus d’injustice qu’en 2006

La « sentence » sur le complément de rémunération de fin d’année vous est maintenant connue. Comme l’année dernière, deux niveaux sont à distinguer :

  • une prime forfaitaire de 250 € attribuée à tous les agents.

Si cette répartition ne pose pas de problème particulier sur ses modalités pratiques dans la mesure où elle est destinée de manière équivalente à tous les agents, elle ne doit pas masquer le véritable problème de fond ; il s’agit en réalité d’une prime de productivité digne du privé « calculée par le Conseil d’Etat en fonction de l’activité respective des juridictions (volumes d’entrée, de sortie et du stock) au regard des effectifs » (1). Et qui évite de créer les emplois nécessaires pour faire face à l’augmentation constante de la charge de travail.

Cette première répartition est néanmoins déjà par elle-même inégalitaire puisque les juridictions sont classées en trois groupes distincts (Rouen faisant partie du deuxième), chacun avec une part forfaitaire différente. C’est le premier moyen pour différencier la rémunération des agents. Sud Intérieur n’accepte pas cette première discrimination comptable qui revient à résumer la qualité du service public au nombre de dossiers traité par agent. Faire du chiffre, voilà l’obsession !

une prime modulable de 0 à 400 €, au « mérite » ou plus exactement à la « tête du client ».

Cette part est elle modulée de manière accentuée par rapport à 2006 (de 50 à 200 €) ” en fonction des contributions apportées par chacun dans le cadre de la mise en place de la Lolf, du traitement des urgences et des charges particulières intervenues en cours d’année “ (1). Ce dernier aspect a donné l’occasion au président de préciser son choix en souhaitant, ” tout comme l’année dernière, souligner le travail important lors des permanences de week-end” (2). Comme si “le travail important” n’était déjà pas le quotidien de tout à chacun ! Les deux autres points entrant dans ce critère étant ” l’accent[…]mis cette année sur le traitement contentieux liés à la réforme du droit des étrangers (OQTF) ainsi que l’appui apporté pour résoudre des problèmes d’effectifs (congés maladie…) “ (1).

Sud Intérieur continue de dénoncer cette injustice qui ne repose sur rien d’autre que l’arbitraire, les critères faussement objectifs retenus unilatéralement lui servant de paravent. TOUS LES AGENTS ont fait les mêmes efforts ! Une autre répartition était pourtant parfaitement possible. Comme vous le savez, Sud Intérieur en avait proposé 3 variantes au président par courrier du 22 octobre :

  • A – versement de cette prime à tous les agents visant à compenser une augmentation inégalitaire du régime indemnitaire, donc avec modulation dégressive en fonction du grade : C (maximum), B ( médian) et A (minimum) ;
  • B – versement à tous les agents visant à compenser l’augmentation différenciée de cette prime opérée en 2006, donc avec modulation dégressive en fonction du niveau de prime versé l’année dernière à chaque agent ;
  • C – versement de la même somme à tous les agents.

Le président du Tribunal, qui pouvait choisir cette option car non contraint par des textes réglementaires, n’a pas jugé bon d’en retenir une des trois. Il a donc opté lui-même et en toute connaissance de cause, pour l’injustice. En ne souhaitant même pas donné une suite favorable à la demande d’entretien que nous sollicitions sur ce point comme sur d’autres, il a par ailleurs montré les limites qu’il imposait au “dialogue social”. Si un courrier de réponse nous a bien été adressé le 28 novembre, cela ne remplace pas une véritable discussion, qui nous aurait permis d’expliciter plus à fond nos arguments et susceptible de déboucher éventuellement sur une autre solution (voir page 4 cette réponse et page 3 notre courrier initial). Nous le déplorons.

Retenir une de nos trois variantes s’imposait pourtant indiscutablement : c’était la solution la plus juste. Car, plus que jamais l’installation d’une répartition différenciée risque bien de diviser le personnel. La compétition mais aussi la suspicion entre agents sont les deux pièges à impérativement éviter. Ils sont un véritable ” poison “. L’adversaire, ce n’est pas le collègue, c’est bien ce dispositif insidieux de modulation salariale, une terrible machine à broyer la solidarité plus que jamais indispensable entre tous les agents, confrontés à des conditions de travail toujours plus difficiles.

La pérennisation de cette « sélectivité » du reliquat de fin de gestion n’est qu’un des éléments mis en place pour imposer, par touches successives, l’individualisation des rémunérations ; l’un des autres étant l’évaluation des agents sur des objectifs collectifs et individuels, qui servira à terme, à déterminer de manière grandissante et de plus en plus variable cette rémunération.

Pour s’en convaincre, il suffit de prendre connaissance de l’article 13 du décret du 17 septembre 2007, qui entérine la suppression de la notation remplacée par un entretien professionnel d’évaluation : ” Lorsque des régimes indemnitaires prévoient une modulation en fonction de la manière de servir [ce qui est bien le cas pour les agents du cadre national des préfectures], celle-ci est appréciée par le chef de service au vu du compte rendu de l’entretien professionnel. “

La stratégie est donc très claire : casser les augmentations de salaire en points d’indice qui bénéficient à tous les agents pour les remplacer par une individualisation renforcée de la rémunération, et en arrière plan, démanteler le statut de la fonction publique dont les garanties collectives procurées à chacun sont l’ennemi à abattre. L’objectif, c’est mettre toujours plus sous pression chaque collègue, en détournant l’objet du statut d’emploi dont nous bénéficions, qui nous fait obligation de traiter également l’ensemble des demandes qui nous sont présentées, vers un traitement différencié en fonction des objectifs assignés à chacun et contenus dans les comptes – rendus d’entretien professionnel.

Et à quoi servira l’évaluation de l’atteinte de ces objectifs ? Evidemment à moduler la rémunération par le biais de réductions accélérées d’ancienneté et par l’attribution de primes indexées sur le niveau d’atteinte de ces objectifs fixé par le supérieur hiérarchique. De quoi rendre plus malléable surtout en période de ” disette ” salariale. Un véritable dévoiement du service public.

Les revendications de Sud Intérieur pour la garantie d’un service public de qualité :

  • le retrait du dispositif d’évaluation et de son corollaire, la modulation salariale à la ” tête du client ” et un avancement garanti pour tous ;
  • une rémunération digne de notre travail avec rattrapage immédiat des 6 % environ de pouvoir d’achat perdus depuis 2000 avec une revalorisation des grilles indiciaires en points d’indice bénéficiant à tous les agents ;
  • l’intégration des primes dans le calcul de la retraite ;
  • une véritable réduction du temps de travail avec création d’emplois statutaires correspondant, ce qui passe d’abord par l’arrêt des suppressions de postes.

Courrier Sud Intérieur – Rouen, le 22 octobre 2007

Madame le Président du Tribunal Administratif,

Dans le cadre du dialogue social nécessaire qui doit exister entre l’Administration et ses salariés, notre syndicat souhaite pouvoir obtenir un certain nombre d’éléments relatifs à la vie de la structure que vous dirigez :

  • 1 – si comme l’année dernière, une prime de ” performance ” sera versée aux agents (c’est le cas en Préfecture) et selon quelles modalités ?

Pour ce qui concerne notre syndicat, nous vous adressons ici nos propositions ( par ordre de préférence ) en cas de versement d’une telle prime :

  • A – versement à tous les agents visant à compenser une augmentation inégalitaire du régime indemnitaire, donc avec modulation dégressive en fonction du grade : C (maximum), B ( médian) et A (minimum) ;
  • B – versement à tous les agents visant à compenser l’augmentation différenciée opérée en 2006 de cette prime, donc avec modulation dégressive en fonction du niveau de prime versé l’année dernière à chaque agent ;
  • C – versement de la même somme à tous les agents.

Nous tenons à vous rappeler que la répartition inégalitaire effectuée l’année dernière avait été pour le moins mal vécue par les agents.

  • 2 – effectifs

A notre connaissance, un greffier et un agent du greffe vont prochainement prendre un légitime congé maternité. La question est finalement fort simple ? Qu’avez – vous prévu pour compenser ces absences, qui auront forcément des incidences sur le travail quotidien. D’autant plus que celui-ci s’alourdit toujours, notamment en raison de ” l’omniprésence ” de la procédure OQTF et ” juge unique “, sans parler l’année prochaine d’un travail supplémentaire relatif aux élections municipales, qui risque d’engendrer un important contentieux à traiter dans l’urgence.

Plus globalement, et au-delà, la charge de travail qui continue de progresser nécessite le recrutement d’agents statutaires. C’est d’autant plus indispensable pour maintenir un service public de la justice de qualité, ayant fortement tendance à se transformer en une justice ” d’abattage ” et aussi d’améliorer les conditions de travail des agents qui ne cessent de se détériorer. La souffrance au travail augmente et notre syndicat fait de ce thème une de ses priorités.

  • 3 – la date effective d’installation dans les nouveaux locaux

La date pressentie, fin du 1er trimestre 2008, est-elle toujours d’actualité ou bien faut-il s’attendre à un retard ?

Dans l’attente de vos réponses et en vous précisant que l’idéal serait sans doute une rencontre pour pouvoir évoquer à fond l’ensemble de ces points, nous vous prions de croire, Madame le Président, à l’assurance de nos salutations syndicalistes.

Syndicat Sud Intérieur

Réponse du président du Tribunal Administratif – Rouen, le 28 novembre 2007

Par courrier du 22 octobre 2007, vous avez bien voulu m’interroger sur plusieurs points tenant au fonctionnement de la juridiction : complément exceptionnel de rémunération, effectifs, Hôtel de Crosne.

Sur le premier point, le Conseil d’Etat m’a fait savoir que les disponibilités de crédits en fin d’année permettaient d’attribuer un complément exceptionnel de rémunération aux agents du greffe.

Comme l’an passé, le complément de rémunération fait l’objet d’un double abondement avec :

  • une 1ère part forfaitaire, calculée sur la base de l’activité de la juridiction au regard des effectifs (volumes d’entrées, de sorties, du stock). L’ensemble des agents a dans ce cadre vocation à percevoir un montant de 250,00 € ( avec un prorata temporis pour les arrivées et départs intervenus en cours d’année) ;
  • une seconde part modulée (de 0 à 400 €) en fonction des contributions apportées dans le cadre de la mise en oeuvre de la Lolf, du traitement des urgences et des charges particulières intervenues en 2007.

Concernant les effectifs que vous soulevez, je vous rappelle que les agents placés en congés de maladie et en congés maternité demeurent bien évidemment comptés dans les effectifs (4) et ne sont pas remplacés par de nouveaux recrutements, une organisation interne doit dans ce cas être mise en place pour répondre.

Enfin, pour ce qui concerne l’installation de la juridiction dans ses nouveaux locaux à l’Hôtel de Crosne, l’avancement du chantier laisse attendre un déménagement au cours de la deuxième partie du mois de février 2008, mais je ne suis pas en mesure de vous indiquer pour l’instant la date effective du transfert. Des informations plus précises seront disponibles d’ici quelques semaines.

Je vous prie de croire…
Jacqueline SILL

Les commentaires de Sud Intérieur

Si le président n’a pas souhaité nous recevoir, il a néanmoins répondu à notre courrier, ce qui change assez largement de l’attitude du corps préfectoral, qui lui ne répond à rien ou presque quand nous l’interrogeons.

Sur le fond, il faut noter l’absence de référence à la détérioration des conditions de travail des agents, soumis à une augmentation continue de leur charge de travail. Faut – il en déduire que la présidente l’ignore, n’en a pas pris la mesure, la sous – estime ou au contraire connaît parfaitement bien le problème et souhaite ne pas s’étendre sur cette explosive question par écrit ? Difficile à dire, mais en tout cas tout à fait regrettable.

Et effectivement, la solution est bien de créer des emplois statutaires et non de multiplier les primes d’objectifs modulées, source de démotivation et de déconsidération pour les agents injustement lésés . Et bien entendu que nous savons que les congés sont comptabilisés dans les effectifs. Mais nous savons aussi que les plafonds d’emplois et de rémunération fixés dans le cadre de la LOLF, sont un rouleau compresseur pour compresser les effectifs (moins 27 postes ces trois dernières années à la Préfecture, soit 5 % de l’effectif global ! dont 11 cette année !!!) ou à tout le moins, dans le cadre du Tribunal Administratif, à ne pas les augmenter alors que la charge de travail progresse.

Sud Intérieur est parfaitement dans son rôle en évoquant le sujet et se fait un devoir d’attirer l’attention de l’Administration sur la situation. Parce qu’il en va de la qualité du service public et de la santé physique et psychologique des agents. Sud Intérieur est très attentif au sujet et s’inquiète de l’aggravation de la souffrance au travail sur tous les lieux de travail, d’autant plus redoutable qu’elle est parfois inconsciente ou refoulée par certains agents qui en viennent même à se culpabiliser eux – mêmes. Un cercle vicieux.

Cette souffrance, il faut au contraire en parler. Sud Intérieur sera à l’écoute de tous ceux qui choisiront cette voie. N’hésitez surtout pas à nous contacter.


 
(1) Comme l’indique le courrier du 28 novembre adressé aux agents par le président du tribunal administratif ; (2) Qui sont déjà rémunérées fort heureusement d’ailleurs.

Solidaires Unitaires Démocratiques Intérieur 76 – Membre de l’Union Syndicale Solidaires – Décembre 2007 – Contacts : Céline RICHARD – Sous-Préfecture de Dieppe, Bertrand LEROY – DRCLE, Denis PERAIS – DRCLE