Manipulation présidentielle

Lors de ses voeux aux corps constitués, dont les fonctionnaires, le 11 janvier 2008 à Lille, Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à affirmer : « Les moyens consacrés à la dépense publique ont eux aussi monté »,

sous-entendant lourdement que le poids des rémunérations des fonctionnaires de l’Etat serait « insupportable » pour le budget de la nation.

Pourtant, cette variable a sensiblement…diminué entre 1980 et 2005, passant de 28 % à 24,72 % de la dépense totale de l’Etat  (1). Une énorme manipulation de celui qui déclarait pourtant quelques minutes plus tôt lors de la même cérémonie « il ne sert à rien de mentir ».

TOUS en GREVE le 24 JANVIER

Suite à la forte mobilisation des personnels de la fonction publique le 20 novembre, le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique avait annoncé, lors d’une rencontre salariale avec les organisations syndicales que le 17 décembre serait la première étape d’une négociation. Pour la première fois, Eric Woerth acceptait de prononcer ce mot et reconnaissait que le point d’indice et la reconstruction de la grille indiciaire étaient des éléments incontournables de discussion. Mais les propos tenus au « Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI » le 16 au soir enterraient ses premières « ouvertures » en écartant toute mesure générale d’augmentation.

PROVOCATIONS ET MEPRIS !

Le 17, il confirmait ses orientations de la veille. Pourtant, Les fonctionnaires ont perdu depuis 2000 près de 7 % de leur pouvoir d’achat. En effet, tandis que les prix augmentaient de 13,3 % leur traitement indiciaire n’augmentait lui que de 6,6 % (ce dernier représente 85,3 % en moyenne de leur rémunération totale) (2).

DES PROPOSITIONS INTOLERABLES…

Niant l’évidence, le ministre a continué de « balader » les organisations syndicales le 17 décembre en proposant deux choix totalement inacceptables :

  • un système « novateur » (que l’on peut regarder si vous voulez, dit-il !) : majorer la valeur du point d’indice au titre d’une mesure générale…mais en contrepartie ralentir la progression indiciaire (donc le passage d’échelons et les promotions). Ce système « novateur » de majoration de la valeur du point d’indice en contrepartie d’un ralentissement de la progression du nombre de points d’indice, remettrait en cause le principe même de l’organisation et du déroulement de la carrière qui assure, entre autres, une progression automatique d’un échelon à un autre. En faisant une telle proposition, il a aussi remis en cause la durée de séjour dans les échelons qui se traduirait par un allongement de la durée de chaque grade et donc de la carrière.
  • instituer un système de garantie individuelle (au cas par cas) de maintien du pouvoir d’achat par le versement d’une indemnité compensatrice qui entrerait dans le champ de la retraite additionnelle (RAFP). Pour la première fois dans l’histoire des négociations salariales de la fonction publique, un gouvernement propose des mesures à caractère individuel et non plus collectives. C’est encore là une attaque au principe d’égalité de traitement dans la fonction publique ! Concrètement, une « prime » serait versée (forcément l’année N+1) à tout agent ayant perdu du pouvoir d’achat par rapport à l’inflation. Il faudrait donc pour tous les fonctionnaires regarder leur situation individuelle. Il faudrait regarder la situation des non-titulaires que le Ministre a à peine évoquée. Cette tâche gigantesque, (assurée par quel personnel ?), devrait tenir compte du budget de la fonction publique hospitalière et de la multitude des employeurs territoriaux. Impossible !

En fait, la volonté du gouvernement est d’individualiser le traitement pour pouvoir arriver à des rémunérations de gré à gré et démolir le déroulement de carrière et les règles collectives de gestion des personnels. Un dynamitage en règle du statut de la Fonction Publique parallèle à celui, aussi en préparation, du CDI dans le privé. Objectif : détruire des dizaines d’années de conquêtes sociales.

DANS LA LOGIQUE DE LA CASSE DE LA FONCTION PUBLIQUE !

Les annonces du 12 décembre sur la politique de « modernisation des politiques publiques » vont dans ce sens et elles ont été confirmées le 18 au cours du Conseil Supérieur. Sous prétexte de simplifications administratives, ce sont des milliers d’emplois et de services publics de proximité qui vont disparaître. Aux 22 900 suppressions de postes de 2008, Eric Woerth en a annoncé fièrement 35 000 de plus par an, entre 2009 et 2012, le 16 décembre 2007 au «Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI ». Il a même affirmé qu’il aurait souhaité « nettoyer » encore plus en profondeur : « “J’aurais préféré qu’on ne remplace pas un fonctionnaire sur 2[au lieu d’un sur 3 en 2008][…]J’ai bien l’intention d’assumer le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux et c ‘est à mon avis une grande chance pour les fonctionnaires ». Insultant. Pour les personnels ce sera, tout au contraire, plus de précarité, des conditions de travail dégradées et des règles de gestion et des garanties collectives explosées. Pour les usagers, ce sera plus d’attente, d’éloignement et de complications. Bref, le dévoiement du service public.

Toutes ces orientations ont été confirmées par le président de la République lors de ses voeux aux corps constitués dont les fonctionnaires précités. Nicolas Sarkozy a également pratiqué le bon vieux chantage d’actionnaire avide de profits : une prétendue augmentation des salaires contre une réduction drastique des effectifs. Sans parler de l’annonce de la rémunération arbitraire à la « performance », de la remise en cause du recrutement par concours, certes imparfait mais largement moins inégalitaire que celui sur entretien ou liste d’aptitude (qui favorise ceux qui ont des relations). Ces voeux sonnaient véritablement comme une oraison funèbre, prononcés avec délectation. …

ET DU RESTE !

Le gouvernement a aussi profité des vacances de Noël pour annoncer son objectif de donner de nouvelles satisfactions à son véritable donneur d’ordre, le patronat : remise en cause de la durée légale du travail et allongement à 41 ans d’ici 2016 de la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

UN PRESIDENT TOUJOURS AUX PETITS SOINS POUR…LUI – MEME

Côtoyer des milliardaires, c’est bien connu, crée des besoins. Comme son augmentation de salaire de président de la République ne prenait effet qu’au 1er janvier 2008 (19 331 € nets mensuels contre 7 500 € précédemment), Nicolas Sarkozy avait trouvé une solution pour l’anticiper. Depuis son élection et jusqu’à la fin décembre 2007, il avait cumulé les émoluments de sa nouvelle fonction avec ceux de…ministre de l’Intérieur (11 500 € nets mensuels), poste dont il a pourtant démissionné en mars 2007. Ce premier cumul était déjà bien scandaleux même si pourtant parfaitement légal. Mais il n’aurait dû être possible que jusqu’en septembre 2007 (3). Vivant « chichement », « à peine élu, le nouveau président a demandé – et naturellement obtenu – de voir son salaire de ministre de l’Intérieur, prolongé jusqu’à la fin de l’année » [2007]. Cette information a été confirmée par l’Elysée au Canard Enchaîné qui la reproduisait dans son édition du 12 décembre 2007. C’est peu de dire que ce substantiel cadeau a été passé sous silence par la quasi-totalité des médias.

AUGMENTER LES SALAIRES, C’EST POSSIBLE

Il suffirait de reprendre ne serait – ce qu’une partie des 9,3 % de la richesse nationale qui a déserté les revenus du travail au profit de ceux du capital (notamment des actionnaires qui licencient) entre 1983 et 2006. Cela représente annuellement une somme estimée entre… 120 et 170 milliards d’euros !!! (4). Les média possédés par des industriels qui ont largement profité de ce transfert préfèrent, eux, gloser sur les privilèges « exorbitants » des…fonctionnaires.

LE 24 JANVIER – SOYONS ENCORE PLUS NOMBREUX QUE LE 20 NOVEMBRE

Face à cette entreprise de démolition sociale, Sud Intérieur appelle les personnels de la Fonction publique à se mobiliser, toujours unitairement et encore plus massivement le 24 janvier prochain, pour obliger le gouvernement à prendre en compte nos revendications.


 
(1) donnée comptable rappelée dans le livre 10 + 1 questions sur la dette à Liêm Hoang -Ngoc paru aux éditions Michalon en 2007 (page 31) ;
(2) chiffre cité page 40 de l’avis remis le 11 octobre 2007 à la présidence de l’Assemblée nationale pour alimenter la discussion sur le projet de loi de finances 2008 …
(3) Un ministre peut conserver son salaire pendant 6 mois après son départ. Chiffres cités par François Ruffin dans son article « Partage des richesses, la question taboue », paru dans Le Monde Diplomatique de janvier 2008.


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