Depuis plusieurs années, notre syndicat a eu à connaître du cas de policiers poursuivis pour avoir révélé des dysfonctionnements institutionnels et/ou hiérarchiques. La répression qui s’en est ensuivie n’a jamais été neutre sur la santé des ces gardiens, gradés ou officiers. Poursuivis, sanctionnés, révoqués, certains sont dépressifs à un stade mettant en péril leur vie même.
Nous revenons ici plus en détail sur la situation du Lieutenant Patrick CAHEZ. Pourquoi ? D’abord parce que depuis plusieurs années, nos deux structures le soutiennent pour faire rétablir ses droits.
Et que de ce fait, nous savons tout de son dossier tant aberrant et si particulier qu’il tend à devenir un cas d’école. Mais, au-delà de cela, notre expertise nous autorise à l’évoquer en toute connaissance de cause. Ensuite, parce qu’il est maintenant indispensable que des structures qui défendent les salariés les informent directement des méthodes qui ont « cour » au sein du ministère de l’intérieur.
Des pratiques destructrices dont Patrick CAHEZ (1) est loin d’être la seule victime, et qui cadrent assez mal avec les proclamations « enflammées » et postures convenues des ministres et directeurs généraux de la police nationale sur la nécessaire considération des agents.
UNE « DESCENTE AUX ENFERS » VIEILLE DE 15 ANS
Depuis 1998, Patrick CAHEZ a connu une véritable « descente aux enfers ». Alors délégué syndical de Synergie Officiers, cet officier de police judiciaire alors en poste à Grenoble alerte sa hiérarchie sur la dégradation des conditions de travail consécutives au dysfonctionnement du service, laquelle s’abstient – assez classiquement – d’agir.
La justesse de ce droit d’alerte s’est malheureusement et dramatiquement confirmée par deux suicides ainsi que par une tentative. Non contente de ne pas le soutenir et de ne s’abstenir de mettre fin à la situation, l’Administration l’a « enfoncé » : « placardisation », sanctions disciplinaires, poursuites judiciaires, mise en disponibilité d’office, dans la perspective d’une mise à la retraite pour invalidité (2), sans l’avoir informé, alors que c’était obligatoire, de son droit au reclassement dans notre administration voire une autre. Bref, un harcèlement professionnel continu. Et particulièrement odieux.
Le tout ayant pour conséquence de le plonger dans une profonde dépression dont l’Administration (juge et partie, vous l’aurez compris !) a refusé de reconnaître l’imputabilité au service malgré un dossier contenant de nombreux éléments militant dans cette direction. Voudrait-elle le « tuer à petit feu » que l’Administration ne s’y prendrait pas autrement… Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir alertée à tous ses échelons [encore très récemment], y compris aux plus sommitaux (ministériels ou directoriaux) sur les dangers quasi vitaux que fait peser une attitude aussi peu humaine.
Au mépris, de fait, de l’obligation de résultats en matière de protection de sa santé qui pourtant lui est imposée.
Nous avons proposé depuis longtemps une solution par le dialogue. Nous avons donc fait des propositions précises, formalisée notamment dans une synthèse complète adressée au ministre le 20 novembre 2012. Elle porte sur l’abandon des sanctions disciplinaires, la reconnaissance de l’imputabilité au service de sa maladie, le
reclassement dans une autre administration, la reconstitution de sa carrière injustement bloquée, le report des congés annuels non pris, la reconnaissance du préjudice moral, l’attribution de la protection fonctionnelle et l’examen par le comité hygiène, sécurité et conditions de travail national du dossier sous l’angle de la prévention des risques professionnels.
La réponse : l’absence de… réponse et de toute entrevue pour enfin se parler. Ou plus exactement, la poursuite de la « descente aux enfers » : sanction disciplinaire d’abaissement d’échelon en janvier 2013 pour un prétendu manquement, « notamment à l’obligation de discrétion professionnelle et à l’obligation de réserve ».
Patrick CAHEZ a aussi rendez-vous avec le verdict du tribunal correctionnel de Grenoble le 28 mars prochain à une plainte déposée pour un motif quasiment identique : une prétendue violation du secret professionnel.
Les deux procédures ont été déclenchées en 2011 et 2012 alors que le fonctionnaire était depuis plusieurs années déjà en arrêt maladie. Une enquête ayant nécessité la présence de plusieurs fonctionnaires a été diligentée pendant…18 mois.
Un déploiement de forces absolument hallucinant qui n’a toujours pas réussi à « démasquer » l’existence d’un « dangereux terroriste » que l’officier de réserve, juriste diplômé et ex- représentant de Synergie Patrick CAHEZ n’a jamais été, mais bien plus le terrible acharnement de la « Maison police » contre un de ses «défenseurs. »
Son seul tort : avoir osé en dénoncer les plus sombres pratiques.
Nous vous passerons ici les détails sur de nombreuses incohérences, inexactitudes voire plus dans les dossiers ; sur des prises de liberté parfois particulièrement confondantes avec la légalité que le ministère de l’intérieur est pourtant censé incarner. Autant d’avatars que nous avons dénoncés à tous les niveaux (courriers, conseil de discipline, tribunaux). Ils ne seraient que risibles si la vie d’un individu n’était pas en jeu.
L’Administration, par son attitude d’obstruction systématique, a obligé l’agent à choisir les voies juridictionnelles. Nous avons décidé de l’aider dans ses démarches et de ne rien lâcher. Si elle pense qu’elle va nous user, elle se trompe.
Sauf peut-être sur un point : cette usure pourrait être fatale à Patrick CAHEZ. Car si notre soutien lui est fort précieux, nous savons aussi que la multiplication des « coups bas » l’atteint. Nous sommes donc très inquiets. Si jamais, il lui arrivait « malheur », la responsabilité de l’Administration, déjà bien engagée, serait encore aggravée.
Si le ministre, le directeur général de la police nationale et quelques autres savent encore ce que veut dire le mot HUMANITE, ils devraient prendre la seule décision qui s’impose : examiner un règlement amiable permettant à Patrick CAHEZ d’être réhabilité. Sauront-il le faire ? Il est encore temps.
Si nous avons décidé de vous relater partiellement la situation ubuesque, kafkaïenne, de Patrick CAHEZ, c’est tout simplement parce que nous n’avions d’autre choix. Nous savons que beaucoup d’autres agents, dans des situations conflictuelles avec l’institution, par peur et/ou parce qu’esseulés, se résignent à souffrir, en silence.
Le document que nous diffusons aujourd’hui a donc aussi pour objectif de briser cette « chape de plomb » sur laquelle compte beaucoup l’institution pour que rien ou presque ne bouge. Les agents concernés doivent donc, dans un premier temps, témoigner. Nous sommes à leur disposition pour cela.
Nous connaissons la difficulté d’une telle entreprise, mais c’est un préalable incontournable pour préparer la constitution d’un bloc solide capable de mettre en échec de telles méthodes. L’Administration doit comprendre qu’elle ne peut pas faire « ce qu’elle veut, où elle veut, quand elle veut. » Patrick CAHEZ a eu ce courage de témoigner et de dénoncer. S’il est sans doute encore vivant aujourd’hui, c’est parce qu’il bénéficie d’une défense collective et construite. Aussi bien à l’Observatoire du stress et des mobilités forcées qu’à Sud Intérieur, nous savons que c’est une des « clés » pour pouvoir résister au « rouleau compresseur » administratif quand il s’emballe.
N’oubliez jamais cela : seul(e), vous serez « broyé(e). »
IGPN ET IGS DOIVENT DISPARAITRE
Car, dans la partie du dossier discipline/pénal, les défenseurs du fonctionnaire ont pu démontrer que l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait instruit uniquement à « charge », avec recours massif à des allégations infondées.
L’illustration de ce que nous savions déjà : L’IGPN et sa déclinaison parisienne, L’Inspection générale des services (IGS), agissent comme organe de répression à l’endroit des fonctionnaires dérangeants. Cités pour être auditionnés par la défense de Patrick CAHEZ lors de son conseil de discipline du 30 octobre 2012, les « procureurs » de l’IGPN et de la direction des ressources de la compétence de la police nationale (DRCPN) se sont « défilés ». « Courageux » pour « charger » le fonctionnaire dans leurs rapports, ils l’ont été beaucoup moins quand il s’est agit d’affronter les questions de la défense, qui les auraient sans doute mis en grande difficulté.
IGPN ET IGS DOIVENT DISPARAITRE, SUITE
Une chance pour eux : la procédure disciplinaire ne prévoit pas que les témoins cités par la défense soient obligés de se…déplacer !!! C’est en raison de cette partialité maintes fois démontrée, que la suppression de ces organes d’inspection s’impose immédiatement avec leur remplacement par une structure totalement indépendante de
l’institution policière et placée sous le contrôle de la magistrature.
UN SEUL DROIT : SE TAIRE
Le ministère de l’intérieur a soumis aux syndicats un nouveau projet de code de déontologie qui concerne à la fois police et gendarmerie (3). Un exemple parmi d’autres : « En tout temps, qu’il soit ou non en service, y compris lorsqu’il s’exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s’abstient de tout acte, tout propos ou tout comportement de nature à nuire à la considération de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter aucune atteinte au crédit et à la réputation de la police nationale ou de la gendarmerie nationale par la nature de ses relations. »
Peu importe ici que cet article contrevienne au droit constitutionnel garantissant la liberté d’expression, aux différentes jurisprudences qui la protègent. Le but est clair : intimider des citoyens- policiers et gendarmes – qui osent dénoncer les pratiques répréhensibles de l’institution. Les « lanceurs d’alerte » n’ont qu’à bien se tenir…
Par ce biais, les dirigeants de la police et de la gendarmerie nationales, embourbés qu’ils sont dans plusieurs affaires, cherchent à s’arroger le droit régalien de décider de ce qui relève de la considération de leur service. Un véritable abus de pouvoir visant à couvrir les turpitudes de l’institution.
Faudra-t-il bientôt, comme en Chine, que les droits des citoyens et la liberté d’expression (y compris sur l’espace internet), soient relayés à l’extérieur des frontières nationales pour que les « lanceurs d’alerte » soient protégés de l’arbitraire et des compromissions de l’Etat ?
UNE SOLUTION CONTRE LA « LOI DU SILENCE» :
REJOINDRE L’OBSERVATOIRE DU STRESS ET DES MOBILITES FORCEES
ET SUD INTERIEUR DANS LEUR COMBAT
(1) Sur le dossier de Patrick CAHEZ, deux articles détaillés lui ont été consacrés par Louise FESSARD – le 14 octobre 2011 http://www.mediapart.fr/journal/france/121011/depuis-2003-un-officier-tente-de-resister-aux-assauts-de-sa-hierarchie-policie ; le 24 janvier 2013 – http://www.mediapart.fr/journal/france/220113/un-policier-blogueur-est-juge-pour-avoir-trop-ecrit
(2) Cet arrêté n’a pas été pris
(3) Alors que le gouvernement fait l’apologie du « dialogue social », le ministre et son directeur n’ont pas invité le syndicat Sud Intérieur à la table des discussions. Y-a-t-il des limites au « dialogue » ?…
Site à consulter également : http://sos-fonctionnaire-victime.com/
Le tract en PDF ici : TractspécifiquePCfévrier2013dernière (1)
Un nouveau doctorat, encadré par l’université de Lyon, va être mis en place prochainement à l’Ecole Nationale Supérieure de la Police (ENSP). Objet des thèses : le management au sein des unités de polices. Le doctorat aura pour étude les risques psychosociaux auxquels sont confrontés les policiers. Stress, fatigue, dangerosité des missions : être policier demande un investissement, aussi physique que psychologique. Ce sont ces contraintes, devenues parfois intenables, qui doivent être étudiées par le biais d’un doctorat mis en place par l’intermédiaire d’un partenariat entre le groupe de recherche en psychologie sociale (GRePS) de l’université Lumière Lyon 2, l’École Nationale Supérieure de la Police (ENSP), et la Mutuelle Générale de la Police (MGP). Ce doctorat portera sur le management durable de l’activité policière. En effet, il s’agit d’une profession de plus en plus complexe et violente. Les conséquences sont parfois lourdes pour les policiers : dépressions, arrêts maladie, et donc alourdissement de la prise en charge par le régime d’Assurance maladie et le régime complémentaire, voire suicides, dans les cas extrêmes… Le ministère de l’Intérieur a d’ores et déjà mis en place des politiques de ressources humaines intégrant ces risques élevés, mais peu d’études sur le sujet ont été réalisées jusqu’à présent… La clef du bonheur au travail serait le management des équipes. C’est donc ce domaine qui sera le centre des études menées par le futur doctorat, et principalement le rôle du management dans les risques psychosociaux des policiers. La recherche sera menée pendant trois ans par Jean-Sébastien Colombani, docteur en psychologie sociale et retenu pour ce poste par les trois partenaires du projet. Les recherches doctorales seront menées au sein de l’École Nationale Supérieure de la Police.
http://www.e-orientations.com/actualites/lancement-d-un-doctorat-sur-les-risques-psychosociaux-des-policiers-12976#.UaKMY96weZI.email
« L’ENSP a organisé du 12 au 13 décembre 2012, le deuxième stage avec le Club des Directeurs de la Sécurité des Entreprises, sur le thème “Injures, chantage, menaces, harcèlement”. Ce thème avait été proposé par le CDSE lors de la signature de la convention avec l’ENSP en décembre 2011. Il a été traité sous l’angle juridique, sociologique et psychologique et a rencontré un grand succès. Les participants ont apprécié les points de vue très professionnels des intervenants. La qualité de l’accueil, de l’hébergement et de la restauration ont, comme à chaque fois, été soulignés. La prochaine formation aura lieu les 23 et 24 janvier 2013, afin de clore ce premier cycle. »
http://www.ensp.interieur.gouv.fr/Actualites2/Injures-chantage-menaces-et-harcelement-au-travail-le-CDSE-etudie-le-sujet
Le « principe de précaution des deniers publics » n’a pas eu le bonheur de retenir l’intérêt du ministre de l’intérieur dans le rapport qui le saisissait en 2003 pour une demande d’enquête IGA à propos du service de P.J. à Grenoble.
Ping : Les forces de l’ordre ne sont pas faites pour tuer ni brutaliser des manifestants | Sud Interieur
Ping : La Feuille de Chou | Communiqué de Sud Intérieur : Les forces de l’ordre ne sont pas faites pour tuer ni brutaliser des manifestants. "Lancer une grenade offensive sur des civils n’est pas un acte de policier ou de gendarme. C’est un travail