[Re]précisons d’abord qu’un volontaire du service civique n’est, ni un salarié de droit privé soumis au code du travail, ni un contractuel de droit public régi par des dispositions propre à cette position, ni un fonctionnaire relevant des droits et obligations du statut de la fonction publique.
Ses missions sont strictement précisées par la loi à travers le code du service national : « Elles sont complémentaires des activités confiées aux salariés ou aux agents publics et ne peuvent se substituer ni à un emploi ni à un stage » (article L120-1) ; « Un contrat ne peut être souscrit auprès d’une personne morale agréée : […] lorsque les missions confiées à la personne volontaire ont été exercées par un agent public moins d’un an avant la date de signature du contrat » (article L120-6).
Il ne reçoit pas de rémunération, mais [SEULEMENT] une indemnité oscillant entre 580,62 et 688,30 € par mois (combinaison des articles R121-23 à R121-25). Vous avez dit exploitation ?
Jeudi 10 décembre, était diffusé sur France 2 le magazine d’enquêtes « Cash investigation » (1). Parmi l’un des deux reportages, un était consacré à ce sujet. S’il ne nous apprendra rien sur le fond puisque SUD INTÉRIEUR a toujours affirmé que les volontaires du service civique étaient — illégalement quasiment exclusivement affectés à des missions permanentes et pérennes relevant d’agents publics, il aura un mérite particulier : c’est un préfet, Alain RÉGNIER, aujourd’hui, délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés auprès du ministre de l’intérieur, qui rejoint notre diagnostic.
Son expression a d’autant plus d’intérêt qu’ « entre 2015 et 2018, c’est lui qui a mis en place [ces services civiques] dans les préfectures dans le cadre de la fameuse réforme du « Plan préfectures nouvelle génération ». (PPNG), véritable machine à broyer les effectifs.
Des volontaires du service civique aux points numériques qui [per]durent…
alors que leur présence ne devait y être que temporaires !
Alain RÉGNIER « L’idée était notamment de mettre en place des points d’accès numériques , avec des jeunes en service civique, parce qu’un certain nombre de français, qui ne maîtrisent pas l’outil informatique ; donc l’idée, c’était d’être dans la phase de transition. »
Journaliste : « Le temps que s’installent ces points numériques et que le public s’acclimate. Vous aviez fixé une durée ? »
Alain RÉGNIER : « On avait fixé que ça devait s’arrêter quelques mois après le basculement. »
Journaliste : « Ca devait s’arrêter, quoi, courant 2018 ?
Alain RÉGNIER : « Oui, voilà. Dès lors que ça existe encore […], si c’est que c’est quelque chose de durable, si c’est un besoin pérenne, il doit être couvert de manière pérenne par des agents publics, en terme d’emplois, voilà. On est plus Borderline là, on est-au-delà. Les points numériques de préfectures, on ne peut pas faire fonctionner ça que par des jeunes en service civique. C’est pas possible. »
Ici, Alain RÉGNIER vise un détournement de la combinaison des dispositions des articles 3 et 4 à 6 des lois modifiés n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État qui prévoient que les emplois publics ne peuvent être occupés que par des fonctionnaires ou, dans des situations limitativement prévues – et pourtant elles aussi déjà…détournées ! -, par des contractuels de droit public à durée indéterminée ou déterminée.
Durables et pérennes, ces points numériques le sont bien, puisque les préfectures et sous-préfectures ne les ont jamais interrompus et qu’il n’ait pas envisagé de les supprimer, bien au contraire.
Au final, journaliste :« Aujourd’hui, on a fait le calcul. Y a 93 % des points numériques qui sont pris en charge par des services civiques. Donc, on est pas sur du temporaire ». C’est tout ?…
Des services civiques à « toutes les sauces »
Mais, l’usage détourné de ces services civiques ne se limite pas à ces points numériques. Ainsi, Alain RÉGNIER est interrogé sur la possibilité ou pas d’en utiliser sur différentes missions révélées par l’enquête. Le verdict est sans appel : aucune ne rentre dans les « clous » !
Journaliste : « Je vais vous monter les choses et vous me dites si un service civique peut le faire ou ne peut pas le faire. Accueil général »
Alain RÉGNIER : « Oui. Pré-accueil. Pas se substituer à un agent de guichet ou dont c’est le métier. »
La journaliste montre des écriteaux « Gestion du courrier » puis « Archivage – secrétariat ».
Réponse d’Alain RÉGNIER : « Non. »
Écriteau « Standard téléphonique ».
Alain RÉGNIER : « Ca dépend pour quoi ? »
Journaliste : « En gros, faire le standard. »
Alain RÉGNIER : « Non. Faire le standard, non. Tout ça, c’est une fiche de poste métier, ce n’est pas une mission de volontaire. »
Journaliste : « Et pour les petites annonces postées sur le site internet, celle [de la préfecture de Lille] par exemple ? »
En incrustation à l’écran, on voit « Bureau de lutte contre l’immigration irrégulière ».
Alain RÉGNIER : « Non, pour moi, ce n’est pas une mission de service civique. C’est que des tâches administratives sans lien avec le public ; ça ne correspond pas à une mission de service civique. »
Journaliste : « Une dernière : appui à la gestion évènementielle » à la préfecture de Vesoul.
Alain RÉGNIER : « Là, on est dans une mission qui est vraiment très loin d’une mission de service civique. »
La conclusion de son réquisitoire est sans appel : « Le service civique n’a pas été pensé pour palier les diminutions d’emplois publics. Si on considère que c’est une mission structurelle, on doit se donner les moyens, avec les impôts publics, avec l’agent des français, d’assurer cette mission par des moyens publics. »
« Pensé pour palier les diminutions d’emplois publics », peut-être pas ? Mais utilisé à cette fin, preuve en est [encore] faîte ! Sauf qu’…aujourd’hui, elle est belle et bien…pensée…
Parce qu’elle est vraiment inhabituelle, SUD INTÉRIEUR tient à saluer la franchise d’Alain RÉGNIER.
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