L’Etat de droit n’est pas et ne saurait être une abstraction. Cette affirmation au sein de la police est une revendication de SUD intérieur.
SUD demande la suppression de l’IGPN et de l’IGS pour leur remplacement par une Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) structurée en sections (police, gendarmerie, pénitentiaire, CRA… ), que tout justiciable pourrait saisir (1). Le ministre de l’intérieur n’a jamais répondu aux demandes d’entretien et propose une fusion des services d’inspection qui pose encore plus la question de la crédibilité que de l’efficacité d’une telle réforme.
La fusion en un seul service de l’inspection de la police nationale n’a aucun sens s’il n’existe pas une ambition politique sérieuse pour que cette institution connaisse enfin la réforme en profondeur qu’imposent l’évidence, le droit et les déclarations officielles des plus hauts magistrats.
L’absence de crédibilité de l’IGPN et de l’IGS se manifeste à plusieurs niveaux :
sa composition : il est de commune renommée que c’est le « cimetière des éléphants » où sont mutés les commissaires sanctionnés à la suite d’un échec ou d’une affaire (Mutation du directeur de la PJ Lyon après l’affaire Neyret, mutation du directeur du RAID). Il est permis de douter qu’un purgatoire de l’incompétence soit le plus apte à contrôler le fonctionnement d’un service ou apprécier les fautes d’un fonctionnaire. Le recrutement de ce service demande donc à être revu, tout comme son fonctionnement.
En effet, et d’une part, sa soumission à l’autorité administrative – Jean-Jacques Urvoas s’en émeut à raison (2) – qu’elle est censée contrôler rendent forcément suspectes de partialité les conclusions de son travail. Il serait plus cohérent que l’inspection de la police nationale relève de l’autorité d’un magistrat indépendant et qu’elle soit rattachée à une juridiction indépendante pour garantir l’effectivité de l’Avis du Commissaire aux droits de l’homme, sur le règlement indépendant et efficace des plaintes contre la police (3).
Enfin, et d’autre part, la partialité de l’IGPN et de l’IGS est gravement mise en cause par les plaintes pour faux en écritures publiques à propos d’enquêtes de l’IGPN et de l’IGS (plainte de M. Philippe Pichon, plainte de M.Yannick Blanc, plainte de M. Christian Massard). Comment ces services peuvent-ils prétendre sanctionner des manquements à un code de déontologie tout en les négligeant eux-mêmes ?
Ces trois remarques établissent qu’une fusion de l’IGPN et de l’IGS, sans autre modification, n’est qu’une annonce cosmétique, inconséquente, au regard des dysfonctionnements graves et des incohérences structurelles et fonctionnelles. Seule une réforme consacrant l’indépendance du service permet d’envisager une transparence de la police des police et, a fortiori, de la police.
Ce n’est qu’à cette condition qu’une plainte – adressée à un service dirigé par un juge indépendant – garantirait au citoyen une saisine efficace et impartiale. Il n’y a rien à attendre sinon de différent de ce qui existe déjà. Le citoyen a déjà la possibilité de déposer plainte auprès du procureur de la République, qui n’est pas une autorité judiciaire indépendante (4), mais dépend du pouvoir exécutif … comme la police. La réforme du ministre ne fait que déplacer le risque d’atteinte à l’impartialité.
Il est donc très douteux que la fusion IGPN/IGS, telle qu’elle est annoncée, améliore la situation des « lanceurs d’alerte » tant que la « police des polices » ne connaît pas de réformes structurelles et fonctionnelles conformes au code européen d’éthique de la police adopté par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe (5).
L’affaire Patrick Cahez (6) montre que l’IGPN méprise, dans le cas des « lanceurs d’alerte » (7), les droits de la défense, le code de procédure pénale (8) et la jurisprudence du conseil constitutionnel (9). Elle construit des infractions et ne poursuit pas celles d’une hiérarchie mise en cause par voie de presse (10).
L’enquête IGPN contre Patrick Cahez témoigne aussi de l’absence de contrôle effectif du ministère public sur la police, malgré le code de procédure pénale (11), en cautionnant des poursuites nulles en droit, puisque le parquet saisi par l’IGPN est incompétent territorialement et que l’infraction est impossible. Ce même ministère public, tenu pourtant à une obligation d’impartialité (12), a en revanche refusé d’ouvrir une instruction pour faux en écriture publique (13) dont la police a fait usage contre Patrick Cahez. Cela illustre l’impérieuse nécessité à placer l’inspection de la police sous l’autorité d’un juge du siège, et non du parquet, et de placer ce service sous l’autorité du ministère de la justice, ce qui serait logique et conforme au code de procédure pénale.
Une plate-forme en ligne n’offre aucune garantie. Une telle annonce est formelle. Les sites des autorités administratives indépendantes, comme le défenseur des droits de l’homme, n’apportent aucune assurance d’enquête effective. Patrick Cahez a saisi le défenseur des droits il y a de nombreux mois. Il n’a jamais reçu de réponse et il n’a jamais pu recueillir d’information sur le déroulement de sa plainte.
La fusion de l’IGS et de l’IGPN n’amène donc aucun progrès démocratique tant qu’il n’existe pas de structure et de moyen garantissant une enquête indépendante et impartiale. La répression des lanceurs d’alerte dans la police établit qu’une plainte contre la police par un particulier a très peu de chance d’aboutir tout en exposant le plaignant à des poursuites en dénonciation calomnieuse, ce qui est le cas des lanceurs d’alertes dans la police, qui se font condamner. Le premier président de la Cour de cassation a déclaré devant l’Assemblée nationale que «dans la pratique quotidienne du procès pénal, il en résulte une confusion active et visible entre parquet et siège, qui brouille l’idée d’une justice impartiale et place la défense en position de déséquilibre» (14). Cette déclaration officielle reconnaissant l’arbitraire des institutions montre que la seule fusion de l’IGPN et de l’IGS ne changera rien et que le ministre de l’intérieur fait une annonce sans conséquence. SUD intérieur est en mesure de soumettre des propositions efficaces s’il daigne répondre aux demandes d’entretien.
POUR QUE LES CHOSES CHANGEMENT VRAIMENT,
REJOIGNEZ SUD INTERIEUR
PENSEZ Y DANS LA PERSPECTIVE
DES ELECTIONS PROFESSIONNELLES 2014
Notes :
1
Ce nouvel organe d’inspection aurait une délégation inter-régionale compétente pour chacun des 8 SGAP (secrétariat général pour l’Administration de la Police). Des résidents – actifs ou retraités – recrutés, formés, assermentés et mandatés par le Ministère de la Justice pourront se rendre à tout moment dans les locaux de police. Ils s’enquerront du niveau d’accueil du service, auront plein accès aux lieux de rétention. S’ils n’interviendront dans la procédure judiciaire, ils pourront alerter la magistrature de ce qui leur apparaîtrait comme un dysfonctionnement manifeste. Dans chaque service un fonctionnaire par unité sera correspondant local de la CNDS et devra répondre devant elle.
2
La Chambre criminelle étend l’exigence d’impartialité comme condition de validité à l’enquête préliminaire : ” Attendu que, si le défaut d’ impartialité d’un enquêteur peut constituer une cause de nullité de la procédure, c’est à la condition que ce grief ait eu pour effet de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure ou de compromettre l’ équilibre des droits des parties ; ” Crim 14 mai 2008 N°80-80483
3
La Cour européenne des droits de l’homme a dégagé cinq principes définissant l’efficacité des enquêtes sur les plaintes contre la police concernant les articles 2 ou 3 de la Convention européenne des droits de l’homme : · Indépendance: il ne doit pas y avoir de lien institutionnel ou hiérarchique entre l’enquêteur et le fonctionnaire visé par la plainte, et l’indépendance concrète doit prévaloir dans la pratique; · Pertinence : l’enquête doit permettre de recueillir les éléments de preuve nécessaires pour déterminer si le comportement du policier mis en cause était répréhensible, d’identifier et de sanctionner les auteurs; · Diligence: l’enquête devrait être menée sans tarder et avec célérité pour que la confiance dans le principe de la primauté du droit soit préservée; · Contrôle du public : les procédures et les prises de décision devraient être ouvertes et transparentes pour que l’obligation de rendre compte soit respectée; · Association de la victime à la procédure : le plaignant devrait être associé au processus de plainte afin que ses intérêts légitimes soient préservés. (CommDH(2009)4 Original : anglais Strasbourg, le 12 mars 2009 ) https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1417989&Site=COE&BackColorInternet=B9BDEE&BackColorIntranet=FFCD4F&BackColorLogged=FFC679
4
« le procureur de la République n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : (qu’) il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié » établit que la justice en France n’est pas en mesure de garantir le droit à un procès équitable (AFFAIRE MEDVEDYEV ET AUTRES c. FRANCE (Requête no 3394/03) ARRÊT STRASBOURG 10 juillet 2008 § 61) – Par arrêt du 15 décembre 2010, la chambre criminelle a jugé que “Le magistrat du ministère public n’est pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors qu’il ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante” Bulletin d’information de la Cour de cassation (BICC) N°740 du 15 avril 2011
5
Recommandation Rec(2001)10 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le Code européen d’éthique de la police (adoptée par le Comité des Ministres, le 19 septembre 2001, lors de la 765° réunion des Délégués des Ministres) https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=224803&Site=CM « Les personnels de police doivent exécuter les ordres régulièrement donnés par leurs supérieurs, mais ont le devoir de s’abstenir d’exécuter ceux qui sont manifestement illégaux et de faire rapport à ce sujet, sans crainte de sanction quelconque en pareil cas. » (Art. 39) « Les enquêtes policières doivent être objectives et équitables. » (Art ; 49)
6 Tract SUD http://www.solidaires.org/IMG/pdf/TractspecifiquePCfevrier2013derniere_1_.pdf
7
Articles de Louise Fessard dans Médiapart. : « Depuis 2003, un officier tente de résister aux assauts de sa hiérarchie policière » 12/10/2011, « Un policier blogueur est jugé pour avoir trop écrit » 22/01/2013
8
Article préliminaire du code de procédure pénale consacrant les droits de la défense du mis en cause par son information préalable sur la nature et la cause de l’infraction. , conformément à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés publiques (voir aussi la directive européenne sur l’information des mis en cause en matière pénale).
9
Décision n° 2012-257 QPC du 18 juin 2012 : obligation d’information en cas de convocation et audition par OPJ en enquête préliminaire.
10 Tract SUD http://www.solidaires.org/IMG/pdf/Communique_Rapport_IGPN_sur_tortures_de_1995.pdf
11 Articles 12, 13, 38
12
Nations Unies : fascicule sur les normes de comportement des magistrats dans la lutte contre la criminalité : ” Accès à la Justice : L’indépenpendance, l’impartialité et l’intégrité des magistrats. ” – Art. 13 ONU : Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet – Rapport d’information de la cour de cassation de Paris sur l’éthique du magistrat. http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_publications_… – AVIS N°12 (2009) DU CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPÉENS (CCJE) ET AVIS N°4 (2009) DU CONSEIL CONSULTATIF DE PROCUREURS EUROPÉENS (CCPE) À L’ATTENTION DU COMITÉ DES MINISTRES DU CONSEIL DE L’EUROPE SUR JUGES ET PROCUREURS DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE Strasbourg, 8 décembre 2009 –
13
Une décisions de la CEDH sanctionne la France pour l’abstention du parquet à diligenter une enquête : CEDH, 5e sect., 30 juin 2011, Girard c. France, n° 22590/04
14
audition du 11 avril 2006, Rapport d’André Vallini à l’Assemblée nationale du 6 juin 2006, n° 3125 : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-enq/r3125.asp Selon Bernard Stirn, président de la section du contentieux au Conseil d’Etat, les magistrats du parquet exerceraient « une forte influence » sur « leurs collègues du siège » in Recueil Dalloz 2009 p. 2497.
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